Madrid-EULAR 2013. Un abstract sur la viscosupplémentation par l’acide hyaluronique dans le genou arthrosique

Un travail portant sur la viscosupplémentation dans l’arthrose du genou est présenté en abstract à Madrid (1) et il a retenu notre attention parce qu’il met en évidence une des composantes qui participent à l’obtention de bons résultats après une viscosupplémentation intra-articulaire : la quantité d’acide hyaluronique (AH) utilisée. Il faut rappeler que 2 ml d’un AH à 1% ne comporte que 10 mg de cette substance quand 2,5 ml du même AH à 2% en contient le trple soit 30 mg. Le résultat ne sera bien évidemment pas le même. Cela permet souvent d’expliquer des résultats parfois discordants entre des études cliniques apparemment identiques.

Les auteurs partent du principe que l’utilisation par voie intra-articulaire d’acide hyaluronique (hyaluronate de sodium) ou de bétaméthasone (un glucocorticoïde bi-composant avec une action rapide et retardée) est largement répandue et acceptée dans le traitement de  l’arthrose primitive.

Leur objectif est de  comparer dans cette affection  l’efficacité de ces deux types d’injection.

Leur matériel et la méthode

Ils réalisent une étude prospective ouverte avec période de suivi de 6 mois et portant sur 45 patients ayant une arthrose primitive du genou répartis en 2 groupes homogènes pour ce qui concerne le stade de l’arthrose (2 et 3 de K. et L.), les données démographiques (âge, sexe, IMC) et les caractéristiques cliniques. Les patients du premier groupe reçoivent  au début de l’étude 3 injections par voie intra-articulaire de hyaluronate de sodium à raison d’une par semaine (acide hyaluronique à forte concentration (30mg / 2ml) et de poids moléculaire élevé (1,9 millions de Daltons) pour un total de 90 mg par genou).

Les patients du second groupe reçoivent deux injections d’un mélange de 2 bétaméthasones (7 mg/ml) avec un intervalle de 3 semaines entre les injections.

Pour évaluer l’efficacité du traitement les auteurs ont noté au départ puis à 3 mois et à 6 mois après la dernière injection.

•             la sévérité de la douleur du genou : évaluation par le patient sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 0 à 100 mm,

•             les capacités fonctionnelles : évaluation par le patient (capacité à marcher) sur  une EVA de 0 à100 mm.

•             la limitation de mouvement du genou exprimée à travers l’échelle de Lickert (0-3)

L’analyse statistique a utilisé les tests de Fischer et t de Student.

Leurs résultats sont les suivants :

v  Concernant la douleur

o   Dans le groupe de patients ayant reçu le hyaluronate :

§  l’intensité de la douleur mesurée 1 mois après la dernière injection  a été significativement réduite par rapport à celle notée au départ (EVA 82 vs.49, p <0.001).

§  l’ effet antalgique  est plus prononcé au 3° mois (EVA 27, p <0.001), qu’au  6° mois de l’étude (EVA 36, p <0.001).

o   Dans le groupe des patients qui ont reçu la bétaméthasone :

§  l’intensité de la douleur a été la plus basse un mois après la dernière injection mais sans que cette diminution soit statistiquement significative par rapport à celle notée au départ (EVA 75 vs.60, p>0.05)

§  la douleur est ensuite progressivement remontée à 65 mm à 3 mois puis 70 mm à 6 mois.

o   Le niveau de la douleur était significativement plus faible dans le groupe hyaluronate que dans le groupe cortisone après 3 mois (EVA 27 vs. 65, p<0.001) puis après 6 mois (EVA 36 vs. 70, p<0.001).

v  Concernant la fonction

L’amélioration de la fonction  était significativement plus importante dans le groupe hyaluronate après 3 mois (EVA 70 vs.52, p<0.001) et 6 mois (EVA 73 vs.47, p<0.001). tandis que dans le groupe cortisone, on notait seulement une amélioration non significative au 3° mois (EVA 46 vs. 52, p>0.05).

v  Concernant les amplitudes articulaires

La limitation des  mouvements  du genou était significativement diminuée dans le groupe hyaluronate au  3° mois (2.1 vs. 1.7, p <0.005), sans que l’on note de différences significatives pour ce paramètre entre les 2 groupes après 3 mois (1.7 vs.1.8, p>0.05) ou 6 mois (1.8 vs.2.0, p>0.05).

Les auteurs concluent:

que l’utilisation par voie  intra-articulaire d’un acide hyaluronique de haut poids moléculaire et de forte concentration  montre une plus grande efficacité statistiquement significative au niveau de  l’intensité de la douleur et de la capacité fonctionnelle dans le traitement de l’arthrose du genou par rapport à l’injection de bétaméthasone.

NOTRE AVIS.

Cette étude apporte un nouveau résultat spectaculaire de la viscosupplémentation. La quantité totale d’acide hyaluronique injecté a probablement son importance pour expliquer celui-ci : le genou traité  a reçu au total 90 mg d’un AH de haut poids moléculaire (près de 2 millions de daltons). On rappelle que 3 injections de Hyalgan n’apportent en comparaison que 60 mg d’un AH à seulement 700.000 daltons tandis que 3 injections de Go-On correspondent à 75 mg d’un AH de 1.400.000 daltons ou 3 injections de Sinocrom  à 60 mg d’un AH à 1.600.000 daltons. Nous sommes donc loin de la quantité utilisée dans ce travail. On sait que la concentration, le poids moléculaire et le degré de réticulation de l’AH interviennent dans les résultats obtenus par la viscosupplémentation. Dans ce cas présent l’apport d’une grosse quantité d’acide hyaluronique semble de façon prépondérante à l’origine du résultat publié.

La betaméthasone est peu utilisée en France. Rappelons que 7 mg de cette substance correspondent à environ 47 mg de triamcilone soit un peu plus qu’une ampoule de Hexatrione® (40 mg) ou environ 47 mg de methylprednisone soit à peu près une ampoule de Depo-Medrol® (40 mg) ou enfin à 1 ampoule de cortivazol ou Altim®. Ce n’est donc pas un sous dosage du corticoïde utilisé dans cette étude qui explique la différence en faveur de l’acide hyaluronique même s’il semble que la betamethasone soit moins efficace que la triamcinolone (2)

Ces résultats sont conformes à ceux rapportés dans une étude publiée par Bellamy en 2006 (2) et portant, elle, sur près de 2000 patients parmi 28 études comparant les corticoïdes aux acides hyaluroniques, au lavage articulaire et au placébo dans la gonarthrose.

L’auteur rapportait en effet que les acides hyaluroniques sont plus efficaces que les corticostéroïdes, toutes mesures effectuées et comparées qu’il s’agisse de l’index de WOMAC ou de l’ indice de Lequesne, de l’EVA douleur ou de l’amplitude des mouvements. Il signalait aussi que l’effet des acides hyaluroniques est plus durable que celui des corticoïdes.

Il nous a paru bon de sélectionner ce travail : il fait remonter à la surface l’étude de Bellamy avec ses bons résultats, trop vite rangée derrière des publications pessimistes d’épidémiologistes statisticiens (3) qui auraient voulu très vite enterrer la viscosupplémentation.

Bibliographie

1-M. D. Miroljub, M. Grujic. EFFICACY OF INTRAARTICULAR APPLICATION OF HYALURONATE IN COMPARISON TO INTRAARTICULAR APPLICATION OF BETAMETHASONE IN THE TREATMENT OF PRIMARY OSTEOARTHRITIS OF THE KNEE. AB0600. EULAR 3013. Madrid.
2-Bellamy N, Campbell J, Robinson V, Gee T, Bourne R, Wells G. Intraarticular corticosteroid for treatment of osteoarthritis of the knee. Cochrane Database Syst Rev. 2006 Apr 19;(2).
3-Anne W.S. Rutjes, Peter Jüni, Bruno R. da Costa, Sven Trelle, Eveline Nüesch, Stephan Reichenbach. Viscosupplementation for Osteoarthritis of the Knee: A Systematic Review and Meta-analysis. Annals of Internal Medicine. 2012 Jun 12.