Il est désormais acquis que ce geste fait partie du panel des moyens thérapeutiques que l’on peut proposer à un patient qui souffre de cette affection. L’acide hyaluronique est classé dans la catégorie des anti arthrosiques à action symptomatique lente avec un « effect side » (ES) ou effet thérapeutique globalement supérieur à 0.25 en rappelant qu’un  ES inférieur à 0,20 n’a pas de signification clinique. Cet ES est même calculé à 0,32 dans un travail autrichien (1). En comparaison l’ES des anti inflammatoires dans l’arthrose du genou n’est que de 0,23 dans un travail norvégien (2).

Puisque l’acide hyaluronique est généralement efficace, pour qui l’est-il le plus en sachant que l’on connait tous l’existence d’échecs patents?

Quels sont les éléments présents qui mènent à coup sûr à l’échec?

On peut apprécier l’efficacité des AH en étudiant  la population pour laquelle la viscosupplémentaion du genou n’a pas marché. Ce sont des patients chez qui la note inflammatoire était importante. Il faut retenir ainsi que:

Douleurs nocturnes à l’interrogatoire

Gros épanchement à l’examen

Symptomatologie méniscale majeure prédominante

Disparition de l’interligne fémoro-tibial radiologique

Arthroses destructrices rapides (diagnostiquées sur la mesure de la vitesse de pincement radiologique entre 2 clichés pris à 6 mois d’intervalle au cours d’une poussée inflammatoire)

Lésion méniscale mécanique  à l’arthro-scanner

Oédème sous-chondral à l’IRM

   sont les éléments qui conduisent à l’échec certain.

Quels sont les élements à priori prédictifs d’échec que l’on peut discuter?

Une première viscosupplémentation sans résultat ne préjuge pas de l’inefficacité de la seconde : on peut changer de produit, on peut essayer un autre opérateur, on peut penser que le traitement a été commencé au début d’une poussée inflammatoire sans que la totalité des symptômes qui s’y attachent soit présente. Le produit a pu être injecté en dehors de la cavité articulaire(3) (10 à 30% des injections selon le genou et/ou l’opérateur ne sont pas intra-articulaires). Il faut donc analyser à nouveau la situation et recommencer dans de bonnes conditions. Un élément important à souligner : la viscosupplémentation se décide  dans le cadre d’un programme thérapeutique préétabli au cours de l’évolution constatée et suivie d’une arthrose. Ce n’est ni le premier traitement de la première consultation, ni le dernier traitement avant la chirurgie dans la gonarthrose.

La voie d’abord du genou (4) est aussi un facteur potentiel d’échec . La voie dite « antérieure » genou fléchi est celle qui accumule le plus d’échecs quels que soient les opérateurs.  Des auteurs ont même montré des différences dans les résultats obtenus avec la voie d’abord utilisée selon le stade de l’arthrose (5).

 Si le stade radiologique conditionne beaucoup les résultats (6), si les meilleurs résultats sont obtenus dans des arthroses débutantes à modérées de stade I ou II, un nombre non négligeable d’excellents résultats peut être comptabilisé dans les gonarthroses de stade III et même de stade IV à condition bien sûr qu’il n’y ait pas de fusion osseuse. Chez un sujet qui comporte des contrindications à la chirurgie ou qui est frileux et en a peur, la viscosupplémentation peut être essayée en tenant compte des éléments cliniques péjoratifs éventuellement associés à éviter bien sûr.

L’existence de lésions méniscales n’est pas une contrindication quand il s’agit de meniscose, considérée par beaucoup comme le premier stade de l’arthrose. D’ailleurs la plupart des arthroses comporte un dégénérescence méniscale ne justifiant surtout pas la chirurgie mais le traitement médical. Cependant l’existence d’une symptomatologie méniscale prédominante majeure  à l’interrogatoire et à l’examen doit bien être analysée car elle est source d’échec.

Les gonarthroses alitées ou qui ne marchent pas ou plus. Il n’y a d’ailleurs aucun justificatif  médical à la viscosupplémentation dans cette indication

Quels sont donc les conditions idéales pour obtenir un bon résultat avec la viscosupplémentation ?

Il s’agit d’abord des gonarthroses débutantes à modérées confirmées radiologiquement qui bénéficient d’un traitement de fond de l’arthrose mais avec un résultat jugé insuffisant par le patient et/ou le médecin. C’est une arthrose qui évolue lentement avec une vitesse de pincement généralement inférieure à  2/10° de mm par an.

Il s’agit des gonarthroses douloureuses mécaniques sans épanchement cliniquement décelable, sans douleurs nocturnes justifiant cependant un traitement antalgique modéré pour mener le mode de vie active choisi.

Il s’agit aussi des gonarthroses plutôt « hypertrophiques » qui manifestent des tentatives de réparation par la présence de bons ostéophytes de préférence aux formes plutôt  atrophiques avec pincement prédominant. Cela semble d’ailleurs aller de pair avec l’évolution lente ou rapide de l’arthrose.

Il s’agit d’une gonarthrose dont on a acquis la certitude qu’elle n’est plus en poussée inflammatoire sur le plan clinique parce que cette dernière a été maitrisée par le repos, les antalgiques et/ou les antiinflammatoire, au besoin par une ponction et/ou une infiltration d’un corticoïde depuis plus de 15 jours à trois semaines.

Il s’agit d’une gonarthrose qui revient tous les 6 mois à un an pour réclamer un nouveau viscosupplément parce que, dans l’intervalle, il mène une vie normale sans prise d’antalgiques. C’est vraiment l’indication idéale et la preuve majeure de l’efficacité de ce traitement.

Conclusions.

Voici donc exposées en quelques lignes les indications idéales à comparer aux situations quasi constantes d’échecs de la viscosupplémentation comme traitement symptomatique. Cependant à la lumière du travail récent du Docteur Thierry Conrozier, l’étude BIOVISCO (7), qui fait désormais référence concernant les propriétés pharmacologiques de l’acide hyaluronique et puisque l’on sait désormais que les viscosuppléments ont un effet anti destructeur sur le cartilage arthrosique (les marqueurs sériques de la dégradation de ce tissu sont inhibé à tous les stades de la gonarthrose), il n’est pas impossible que dans les mois ou années à venir ceux-ci puissent être proposés (pourquoi pas ?) comme un traitement  « curatif » de l’arthrose auquel aspirent tous les patients.

Bibliographie

1-Arrich J, Piribauer F, et al. Intra-articular hyaluronic acid for the treatment of osteoarthritis of the knee: systematic review and meta-analysis. CMAJ 2005;172:8

2-Bjordal JM, Ljunggren AE, Klovning A, Slørdal L. Non-steroidal anti-inflammatory drugs, including cyclo-oxygenase-2 inhibitors, in osteoarthritic knee pain: meta-analysis of randomised placebo controlled trials.  BMJ. 2004 Dec 4;329, 1313-17

3 – Boyer T, Hamadmad S. Les infiltrations intra-articulaires sont-elles toujours intra-articulaires ? Rhumatologie 1998 ; 4-5 : 127-30.

4 – Lussier A, Cividino AA, Mc Farlane CA et al. Viscosupplementation with hylane for the treatment of osteoarthritis : findings from clinical practice in Canada. J Rheumatol 1993 ; 23 : 1579-85.

5- Toda Y, Tsukimura N.A comparison of intra-articular hyaluronan injection accuracy rates between three approaches based on radiographic severity of knee osteoarthritis. Osteoarthritis Cartilage. 2008 Sep;16(9):980-5

6- Liang KY Research progress of intraarticular injection of hyaluronic acid (HA) for osteoarthritis in recent three years.  Zhongguo Gu Shang. 2010 Dec;23(12):962-4.

7- Henrotin Y, Chevalier X, Deberg M, Balblanc JC, Richette P, Mulleman D, Maillet B, Rannou F, Piroth C, Mathieu P, Conrozier T . Early decrease of serum biomarkers of type II collagen degradation (Coll2-1) and joint inflammation (Coll2-1 NO(2) ) by hyaluronic acid intra-articular injections in patients with knee osteoarthritis: A research study part of the Biovisco study. J Orthop Res. 2013 Feb 19