La prolothérapie dans l’arthrose : une autre façon de traiter le mal par le mal ?

 

Dans ce registre:

  • -on connait l’homéopathie : c’est une méthode thérapeutique basée sur l’administration d’une dose infinitésimale de produits qui, à dose plus élevée, produiraient les mêmes effets que la pathologie que l’on veut combattre.
  • -on connait le vaccin qui consiste à injecter un agent extérieur antigénique  dans un organisme vivant pour déclencher chez lui une réaction immunitaire bénéfique et mémorisable par création d’anti-corps circulants aptes à le protéger ensuite dans le temps face à cet antigène de nouveau et ultérieurement rencontré.

Il y a aussi la prolothérapie.

 

C’est un traitement qui trouve son origine dans des temps très lointains puisqu’ Hippocrate traitait les lanceurs de javelot atteints de lésions capsulo-ligamentaires récidivantes de l’épaule  entrainant des luxations par l’application d’un fer rouge dans l’aisselle. Cela déterminait une lésion inflammatoire (c’est bien le minimum !) suivie d’une cicatrice scléreuse (on s’en doute !) beaucoup plus résistante que les tissus atrophiques en cause.

 

C’est donc, selon sa définition, un traitement de reconstruction articulaire non chirurgicale qui corrige les troubles liés à la laxité tendino- ligamentaire par injection de dextrose hypertonique ou d’une autre substance agressive autour d’un tendon ou d’ une articulation malade de façon chronique (par exemple l’articulation sacro-iliaque avec sciatalgie) mais aussi dans une région douloureuse segmentaire (par exemple les ligaments vertébraux dans la lombalgie chronique). Cette ou ces injections créent  une réaction inflammatoire généralement suivie d’une phase proliférative de cicatrisation avec dépôt de fibres de collagène synthétisées in situ  qui vont renforcer la structure anatomique déficiente.  Ce traitement peut être appliqué aux lésions tendino-capsulo-ligamentaires de tous ordres ayant un retentissement douloureux permanent non résolu par les traitements classiques mais aussi, par certains thérapeutes, étendu aux lésions articulaires comme l’arthrose.

 

Il est dit qu’il faut en moyenne 4 à 6 traitements successifs pour obtenir une récupération maximale. Chaque séance est administrée avec des intervalles de 3 à 6 semaines. Un début de soulagement n’est habituellement pas remarqué avant le deuxième traitement. Il faut noter qu’il n’existe aucune règle précise dans cette programmation qui est décidée par le praticien pour un patient déterminé.

 

Cette thérapeutique a d’abord été utilisée

  • -dans la sclérose des varices et hémorroïdes : elle était alors appelée « sclérothérapie ». 
  • -c’est dans les années 1950 que George S. Hackett, chirurgien militaire américain, a appliqué ce traitement  en utilisant des solutions irritantes dites « proliférants » de type Sylnasol (un acide gras) puis dextrose et lidocaïne (un anesthésiant) sur des patients atteints d’instabilité articulaire. Il peut être considéré comme le « pape » de cette thérapie à laquelle il a donné son nom : thérapie de prolifération ou prolothérapie. Quelques phrases de ses écrits le montrent bien avec ses certitudes.

 

“I have developed special techniques, particularly for lumbosacral and sacroiliac joint stabilization, that make possible the injection of a small portion of the solution at from 10 to 15 places against bone from one insertion of the sharp needle through the skin…I am so confident of my diagnosis, the depth of the ligament, and my tactile sensation that I usually only use the proliferant combined with anesthetic solution and no anesthetic solution alone before entering the ligament or tendon. Usually the needle is inserted at the trigger point of either ligament or tendon until the point of the needle contacts bone. The local pain is reproduced, confirming the diagnosis. The proliferating solution is injected while the point of the needles is held against the bone.” G. S. Hackett

 

« J’ai développé une technique spéciale, en particulier pour la stabilisation mixte lombo-sacrée et sacro-iliaque, qui rend possible l’injection d’une petite quantité de la solution à partir de 10 à 15 points d’ insertion de l’aiguille à travers la peau jusqu’au contact osseux…Je suis tellement certain de mon diagnostic, de la situation en profondeur du ligament à traiter et de l’exactitude de ma sensation tactile que je n’ utilise habituellement qu’un proliférant combiné à une solution anesthésique sans recourir à une anesthésie locale préalable . Habituellement, l’aiguille est insérée dans la zone douloureuse du tendon ou du ligament jusqu’aucontact osseux. La douleur locale est alors reproduite, confirmant le diagnostic. La solution de prolifération est injectée tandis que l’ aiguille est maintenue contre l’os. » G. S. Hackett

 

En 1956, il publie ses premières expériences accompagnées des cartes anatomiques des points d’injections en fonction des douleurs et des sites à traiter.

 

l’ Prolo Your Pain Away! Curing Chronic Pain with Prolotherapy, Third Edition; Ross A. Hauser, et al. Beulah Land Press, 2007, Oak Park, IL. et http://www.journalofprolotherapy.com/index.php/prolotherapy-for-pelvic-ligament-pain-a-case-report/#sthash.LD3A1Gzo.dpuf

Trente ans plus tard des nombreux médecins utilisent cette méthode et publient leurs travaux comportant des études en double aveugle. On peut  Ongley, Klein, Dorman ou Mooney.  Ils tentent de donner une base physiologique à ce traitement agressif et d’en expliquer l’intérêt et le mode d’action en même temps qu’ils développent les techniques. De nombreux produits hyperosmotiques, irritants ou chémotactiles  sont testés : depuis le dextrose ou glucose dextrogyre voire le mannitol pour certains, le morrhuate de sodium (sel d’acide gras provenant de l’huile de foie de morue riche en acide arachidonique et en acides gras à longues chaines polyinsaturées qui se transformerait rapidement en prostaglandine inflammatoire), le gaïacol, le sulfate de zinc,  le phénol ou la glycérine ( l’oxydation quasi spontanée de ces deux derniers attire granulocytes et macrophages) retrouvés par exemple dans le P2G (association de Phénol, Glycérine et Glucose).  Mais on a vu aussi s’utiliser la farine de pierre ponce sous forme de particules de 10 microns. Tout récemment, enfin, certains thérapeutes injectent directement les facteurs de croissance dérivés du plasma riche en plaquettes (PRP). Ceux-ci seraient responsables du déclenchement de la phase proliférative propice à la synthèse de collagène. Aujourd’hui la  prolothérapie est en phase de croissance et en attente de reconnaissance. De nombreux praticiens l’utilisent  notamment en médecine du sport.

Le mode d’action proposé pour ce traitement résiderait probablement dans la destruction cellulaire brutale que crée une hyperosmolarité soudaine déclenchée par l’injection de solutions hypertoniques. Cette première phase dure 2 à 4 jours. Les débris provenant de la lyse membranaire et de la déshydratation cellulaire déclencheraient un processus d’inflammation primaire dans lequel  les granulocytes seraient activés pour attirer monocytes et macrophages qui  sécréteraient alors des facteurs de croissance et de reconstruction capables d’activer les fibroblastes pour qu’ils synthétisent un nouveau collagène plus fonctionnel sur le plan mécanique. Cette deuxième phase dure 10 à 15 jours, d’où l’espacement théorique des injections d’au moins 3 semaines. Un deuxième mécanisme entrainant la production de facteurs de croissance aurait été mis en évidence in vitro dans des cultures de cellules avec la constatation de l’augmentation de sécrétion de ceux-ci en présence de glucose à des doses même minimes.

En réalité la majorité  de la communauté scientifique admet l’absence de connaissance réelle du mode d’action de ce traitement. On en veut pour preuve l’existence de phénomènes contradictoires avec l’utilisation des produits hyperosmolaires : apparition d’une sécrétion accrue de  TNFα, IL6 et IL19  en présence de glucose ou dextrose et diminution du même TNFα et de l’IL6 en présence de mannitol, deux produits apparemment également utilisés en prolothérapie.

 

Que voudrait traiter la prolothérapie ?

La plupart des tendinopathies comme le tennis  et le golf elbow ‘épicondylite et épithrochléite), la tendinite achilléenne, les périarthrites et les bursites de hanche et d’épaule, l’arthrose et les lésions du cartilage notamment au genou, les lésions ligamentaires peri-vertébrales cervicales,lombaires et sacro-iliaques, les enthésopathies, les fasciites palmo-plantaires et pour certains la fibromyalgie.

Notre impression.

Toutes  les méthodes utilisées dans cette thérapie l’ont été de façon totalement empirique et selon la préférence et l’idée du praticien. Depuis la prise en charge du délabrement ligamentaire,  cette technique thérapeutique en est arrivée à traiter la douleur chronique localisée mais aussi celle  (musculo-ligamentaire généralisée) de la fibromyalgie en passant par l’arthrose, maladie qui affecte le cartilage riche en fibres collagène. La prolothérapie  a pu ainsi faire la une du magazine Top Santé avec : « Arthrose du genou : de l’eau et du sucre pour réduire la douleur »  ou du Wall Street Journal avec: « A Pinch of Sugar for Pain » qui titraient que l’arthrose pouvait être bientôt vaincue avec du sucre et de l’eau. Quel bonheur pour les assurances sociales ! Kikassur, organisme d’assurance complémentaire ne s’y est pas trompé, non plus, en reprenant cette information sous forme aussi provocatrice avec : « L’eau et le sucre pour réduire l’arthrose du genou ? ».

Nous n’en sommes pas encore là! Tout le monde le sait.

A noter qu’il n’y a pas de prise en charge pour ce traitement dans la plupart des pays  y compris les Etats Unis, le Canada et bien sûr la France en l’absence de preuves formelles d’action. La prolothérapie fait partie des « médecines parallèles »  même si les travaux présentés dans l’article suivant (à venir)  donnent vraiment à réfléchir et poussent à aller plus loin dans la connaissance du mécanisme d’action de ce traitement antalgique.