ACR / ARHP Congrès annuel de Washington 2012: les recherches sur la thérapie par cellules souches et sur de nouveaux médicaments pourraient mener à des traitements révolutionnaires pour l’arthrose

Paru dans The Rheumatologist, Février 2013

Susan Bernstein WASHINGTON, DC

Allons-nous assister à des avancées spectaculaires dans le traitement de l’arthrose (OA) au cours de la prochaine décennie?

C’est la question posée à trois experts qui ont bien voulu  répondre à la suite d’une présentation intitulée, « Traitements de l’arthrose: est-ce que ce serait la décennie des percées?» au congrès annuel de l’ACR / ARHP qui s’est tenu à Washington du 9 au 14 Novembre 2012.

[Note de l'éditeur: Cette session a été enregistrée et est disponible via ACR SessionSelect à www.rheumatology.org]

Un certain nombre d’options pharmacologiques actuellement disponibles permettent aux rhumatologues de traiter la douleur et d’autres symptômes de l’OA, a déclaré Marc Hochberg, MD, MPH, professeur de médecine à l’Université du Maryland School of Medicine à Baltimore. Il a souligné que lorsqu’ils traitent leurs patients souffrant d’arthrose, les rhumatologues doivent d’abord offrir des conseils sur les approches non médicamenteuses, comme l’exercice et la perte de poids, puis ajouter une dose de médicaments si nécessaire. Traiter la douleur arthrosique aide effectivement souvent les patients à mieux fonctionner physiquement, à mieux dormir notamment, a-t-il dit.

L’acétaminophène (paracétamol) est beaucoup plus utilisé que la première option pour traiter l’arthrose malgré une  efficacité minimale sur la douleur et un  manque d’action sur la fonction et la raideur, a noté le Dr Hochberg. Bien qu’il soit plus sûr pour la partie supérieure du tractus gastro-intestinal que les traditionnels anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), il existe des preuves d’effets secondaires hépatiques liés à son utilisation à long terme, a-t-il précisé. La Food and Drug Administration (FDA) américaine recommande de ne pas utiliser plus de 3.000 milligrammes par jour d’acétaminophène et les rhumatologues devraient avertir les patients atteints d’arthrose que certains médicaments courants pris par exemple pour un rhume contiennent de l’acétaminophène, que les doses qui sont ainsi contenues dans ces préparations doivent être comptabilisées avec celles prises au quotidien de façon régulière pour la douleur de l’arthrose, a-t-il ajouté.

Des traitements efficaces qui font courir un minimum d’effets indésirables sont constitués par les analgésiques topiques comme le gel de diclofénac à 1% pour la douleur ou la solution de diclofénac à 1,5%  pour les signes et symptômes de l’arthrose, a signalé le Dr Hochberg. Le principal effet indésirable est la peau sèche au site d’application pour la solution retrouvée moins fréquemment avec le gel. Parmi les traitements injectables, les corticostéroïdes intra articulaires sont efficaces pour réduire la douleur. La  viscosupplémentation a une efficacité modérée, a-t-il dit.

AINS oraux et autres médicaments par voie orale

Les AINS oraux peuvent provoquer de nombreux effets indésirables qui limitent leur utilisation dans le traitement de la douleur arthrosique chronique, en particulier chez les patients après 75 ans. .Bien que de nombreux AINS soient disponibles, il n’existe aucune preuve substantielle qu’un AINS non sélectif soit plus efficace qu’un autre. Le Dr. Hochberg a également souligné les changements récents sur la documentation de l’ibuprofène car il peut interférer avec l’effet antiplaquettaire de l’aspirine à faible dose et  réduire la protection contre les accidents vasculaires cardiaques et cérébraux.

D’autres médicaments sont efficaces dans le traitement de la douleur arthrosique chronique comme la duloxétine et parmi les opioïdes, le tramadol. Le tramadol comporte des risques d’effets indésirables à la fois mineurs mais aussi majeurs comme la dépendance, a-t-il précisé. « Si vous voulez utiliser le tramadol, vous commencez par des doses faibles puis vous augmentez progressivement en vous assurant que votre patient tolère bien le traitement», a-t-il noté. Les  opioïdes autres que le tramadol doivent être évités dans l’arthrose en raison d’effets indésirables, sauf chez les patients qui ne sont pas disposés à subir une arthroplastie totale ou qui présentent des contre-indications à la chirurgie.

La thérapie cellulaire

La thérapie par cellules souches peut être un moyen potentiel de restaurer le cartilage endommagé et même les lésions osseuses que l’on constate dans les articulations atteintes d’arthrose, a déclaré Rocky Tuan, Ph. D., directeur du Centre pour l’ingénierie cellulaire et moléculaire de l’Université médicale de Pittsburgh. « Malheureusement, il n’y a pas d’études longitudinales spécifiques prouvant l’efficacité de cette thérapie par cellules souches chez les animaux. Il est donc difficile de faire la transition vers l’homme », a-t-il dit. Il y a d’autre part des préoccupations éthiques sur l’utilisation des cellules souches embryonnaires de telle sorte que les chercheurs désormais se concentrent sur l’utilisation de cellules stromales multipotentes ou MSC autologues qui peuvent être récoltées depuis la moelle osseuse ou le sang de cordon ombilical.

Les MSC actives sont potentiellement très utile pour l’arthrose, a déclaré le Dr Tuan. « Une cellule souche peut pas rester assise et être une cellule souche. Elle doit se lever et faire quelque chose! « , a-t-il plaisanté. Une MSC peut se différencier en d’autres cellules comme un  ostéoblaste ou un chondrocyte.  Elle  peut donc être utilisée pour remplacer les tissus endommagés par l’arthrose, a déclaré le Dr Tuan.

Les MSC sont aptes à faire un nouveau cartilage mais sans pouvoir dépasser des brins de 1 millimètre de telle sorte que le Dr Tuan et ses collègues ont conçu un maillage pour maintenir les cellules souches dans l’articulation, a-t-il expliqué. Ils ont ainsi utilisé l’électro filage, une technique initialement promue dans l’industrie textile, pour créer un échafaudage de nano fibres polymères ressemblant à la structure cartilagineuse des genoux. « Les cellules aiment cette disposition. Elles sont pulvérisées à l’intérieur et sont toutes heureuses de s’accrocher aux fibres », a-t-il dit. Ils ont testé cette technique sur un genou détérioré de cochon miniature. « Cela semble prometteur. Nous avons réussi à développer du cartilage, le mettre dans le genou, et réparer le défaut, « . Le  Dr. Tuan a ainsi décrit la réalisation d’un implant à base de MSC pour  réparer une articulation endommagé chez un porc miniature. L’articulation comportait une lésion de 8 mm dans la tête fémorale. Les chercheurs ont rempli le défect avec un hydrogel à base de gélatine et de MSC. Ils ont montré avec des coupes histologiques qu’au bout de trois jours les cellules MSC s’étaient parfaitement adaptées à l’architecture de l’implant.

Ces cellules souches pourraient être utilisées un jour pour réparer ou traiter des articulations endommagées par l’arthrose, pour créer des modèles cellulaires destinés aux essais potentiels de chondroprotecteurs ou encore pour comprendre comment apparait l’arthrose. Le Dr Tuan concluait : « Les cellules sont vraiment les ingénieurs concepteurs des  tissus. Nous sommes juste des entraîneurs et des stimulateurs « .

L’arthrose commence de plus en plus tôt.

Les gens développent des arthroses de plus en plus tôt dans de nombreux pays développés, a déclaré David Hunter, MD, PhD, rhumatologue au Royal North Shore Hospital de Sydney, en Australie. L’âge médian du diagnostic est aujourd’hui d’environ 56 ans. «Nous sommes tous de plus en plus gros! » rajoute-t-il. Ainsi les plaies de cartilage sont avec l’obésité les grandes causes d’apparition de l’arthrose. Nous ne faisons rien pour résoudre ces facteurs de risque et pourtant il le faudrait ».

La plupart des patients souffrant d’arthrose veulent retarder ou éviter la chirurgie, le Dr Hunter.

Les médicaments actuellement en développement et concernant l’arthrose comprennent l’anti  NGF comme le tanezumab (bien que les essais de phase III dans la douleur arthrosique aient été pour l’instant suspendus en raison de l’apparition d’arthroses destructrices rapides, malgré un résultat intéressant sur le soulagement des symptômes) mais aussi les bisphosphonates comme l’acide zolédronique, la calcitonine et le ranélate de strontium.

Les chercheurs se concentrent aussi de plus en plus sur la mise en évidence de bio marqueurs qui pourraient permettre de déterminer les patients qui présentent le plus de risque face à l’arthrose. Ces déterminants génétiques sont aussi l’objet d’importants efforts de recherche par des équipes comme le Biomarkers Consortium de la Fondation du National Institutes of Health car ils devraient permettre de détecter des facteurs de risque de nombreuses années avant que les symptômes cliniques et les preuves radiologiques n’indiquent l’existence de l’arthrose, rajoute le Dr Hunter.

Mais aussi, les rhumatologues doivent aujourd’hui s’intéresser autant au patient dans son ensemble qu’à l’articulation atteinte d’arthrose a rajouté le docteur Hunter. «Il ne faut pas se contenter de s’occuper du cartilage  mais il faut aussi gérer  les effets de l’arthrose  sur l’os, le muscle et la synoviale. Si nous faisons ainsi, nous allons probablement avoir beaucoup plus de résultats significatifs, » a-t-il conclu.

Traduction du résumé de Susan Bernstein  par médecin 42140