Chapitre 8. Inquiétude, interrogations

Etienne Saint a pris avant un repas léger un comprimé de colchicine puis est allé s’étendre espérant s’endormir rapidement, ce qui a été le cas. Il s’est réveillé au petit matin avec une sensation de lourdeur du poignet et une petite gène au pied. Il a repris son médicament comme indiqué, il en reprendrait un ce soir. Il s’est préparé pour aller au laboratoire et chez le radiologue, a mis sa carte Vitale dans son portefeuille (Il l’avait curieusement laissé avec les papiers de la voiture en rentrant de la montagne ; la preuve qu’il n’était pas bien !), a enfilé son pardessus et affronté dehors un brouillard épais qui limite la visibilité à quelques mètres. Il a fait sa prise de sang au laboratoire : il en aurait les résultats lundi. Il a fait les radiographies qui ne montrent rien d’anormal en dehors d’une petite arthrose du pouce : le radiologue a dit « rhizarthrose banale » (ils sont bons ces docteurs: banal ! On voit que ce n’est pas eux !). Il n’a pas oublié de récupérer les clichés pour jeudi prochain.

Il a ensuite acheté le journal au bar tabac où il n’a jamais vu autant de gens faire la « queue » pour obtenir des tickets de grattage, valider des grilles de loto ou de PMU. Il a rencontré le président du club de football et il lui a offert un café à l’occasion des bons vœux pour cette nouvelle année. C’est le premier échange depuis qu’il est rentré. Ni au laboratoire, ni chez le radiologue ou les médecins successifs, on a partagé de souhaits notamment pour la santé: il faut dire qu’ils en vivent tous, ceci doit expliquer cela !).

Assis à une petite table nos deux amis se racontent leurs vacances de Noël. Alors qu’Etienne parle de ski et de montagne, l’autre évoque la gastronomie et les villages perchés du Périgord: il a séjourné à Domme. On en vient tout naturellement au foie gras, boudin, cèpes et truffes, enchaud et confis, toutes denrées que notre héros ne peut plus approcher depuis 48 heures puisqu’il est désormais passé dans le club des affamés « goutteux ». C’est l’occasion pour chacun de raconter ses petites histoires liées à la « podagre » (ancien nom utilisé par Hippocrate devenu goutte avec Ambroise Paré : il est vraiment érudit cet ami !) : c’est la maladie des rois, celle des Bourbon, celle de Louis XVIII dit le podagre. Et puis on en vient au genou qui depuis quelques temps préoccupe Etienne et qui doit faire l’objet de soins dans quelques jours. Est alors évoquée la viscosupplémentation et ce qu’elle apporte. L’ami érudit qui n’en a jamais eu mais ne peut pas alors montrer mieux qu’il sait tout sur ce traitement  se lance dans les descriptions de la réalisation technique, dans les explications de l’action mécanique du produit et dans l’énumération de la liste des « contents » ou « pas contents » de son entourage pour terminer par un somptueux « Mon vieux avant la prothèse, c’est à essayer. De la graisse dans le genou, avant qu’elle ne se mette ailleurs parce que bientôt tu ne pourras plus bouger, ne te fera pas de mal »

Etienne qui connait déjà quelques avantages liés à ce traitement, qui a déjà eu une ponction et une infiltration, ne relève pas cette remarque peu habile. Il a simplement retenu dans tout ce qu’il a entendu, qu’il y avait de nombreux produits tous composés de la même substance : l’acide hyaluronique. La différence entre les présentations se fait sur le poids moléculaire, sur la concentration et le volume injecté. Elle porte aussi sur la structure spatiale des molécules injectées : linéaire ou réticulée et enfin sur l’adjonction d’agents antioxydants et antalgiques comme le mannitol. Son ami a évoqué des produits de 1° et de 2° génération. Cela l’a par contre vivement intéressé car il ne l’a pas encore lu ou entendu. Il en parlera au Dr Manfaimieux.

Il est 10 heures quand il rentre à la maison. Le poignet va mieux et le pied est indolore. Il a toujours un peu de gêne dans ce « satané » genou gauche. Il va essayer de commencer un régime à partir de midi parce que de toute façon il sent bien qu’on le lui imposera : « Chose consentie vaut mieux qu’imposée » se dit-il. Il va arrêter les boissons alcoolisées, les charcuteries et les abats, les crustacés et le chocolat pour l’instant. Il ne boit pas de bière ni de soda.

Il ouvre son ordinateur et concentre ses recherches sur l’acide hyaluronique afin d’être prêt à ouvrir le dialogue avec le rhumatologue. A cette demande, le serveur de recherche lui renvoie des pages et des pages d’adresses de sites tous dédiés aux injections du visage qui ne le concernent pas du tout. En rajoutant arthrose à la demande il découvre un site où tout ou presque est raconté et expliqué sur la viscosupplémentation. C’est formidable : il va pouvoir passer le week-end tranquille sur l’ordinateur si le temps ne permet pas une petite sortie.