Sorbitol-hyaluronate: un couple antalgique qui fait bouger l’arthrose
La molécule
Le sorbitol est un antioxydant d’origine naturelle piégeur des radicaux libres agressifs et néfastes pour les chaines de hyaluronane. En plus: de tous les antioxydants, le sorbitol est celui qui capte et retient le plus d’eau par effet hygroscopique. Il renforce ainsi le pouvoir hydratant de l’acide hyaluronique (hyaluronate) .
C’est le chimiste français J. Boussingault qui, en 1868, a fait la découverte du sorbitol dans le sorbier des oiseleurs, cet arbre qui porte des petits fruits rouges attirant les oiseaux pour les différents sucres qu’ils contiennent : saccharose, dextrose et des sucres-alcool comme le sorbitol (d’où vient son nom): représentant typique de la famille des polyols aliphatiques. En 1892, il en précise la structure, l’origine et donc son métabolisme. Le sorbitol est présent dans une large variété de fruits et de baies comme les pommes, les poires, les pêches, et surtout les pruneaux qui en sont les sources naturelles. Il est aussi appelé glucitol et alcool hexa hydrique. C’est un composé hexaédrique C6H14O6 et de masse moléculaire à 182.2. Il est extrêmement soluble dans l’eau à 20°C jusqu’à la proportion de 220 g/100 ml et sa densité en poudre est de 1.5 g/cm³.
Le sorbitol a été introduit au niveau industriel à la fin de la Seconde Guerre mondiale par l’entreprise française Roquette Frères qui lui est étroitement attaché. Il a été substitué à la glycérine à des fins militaires. On connait d’ailleurs ses capacités de carburant pour les « fusées » quand il est mélangé au salpêtre.
Il est actuellement produit par hydrogénation catalytique du ß-D-glucose à partir de grains de céréales spécialement préparés. Il est préparé soit sous forme aqueuse, soit sous forme cristallisée, sans eau. C’est cette société qui depuis 1950, comme leader mondial, développe avec son équipe de chercheurs de nombreuses utilisations de ce polyol notamment en plasturgie et dans la préparation des résines.
Dans ses utilisations alimentaires, le sorbitol est un excellent agent édulcorant qui améliore le gout des produits et le fait parfois employer comme succédané de sucre. Il joue le rôle d’émollient et d’anti cristallisant. Il retarde par exemple la cristallisation du saccharose dans les produits chocolatés. Il est aussi utilisé comme excipient, humectant, stabilisant et séquestrant. La présence d’un grand nombre de fonctions alcool, sites potentiels pour des liaisons hydrogène, produit un effet rafraîchissant en bouche du fait du processus endothermique de rupture de ces liaisons hydrogène. Ce phénomène est exploité pour la préparation de pâtes dentifrices et de produits pour soins de bouche (c’est l’effet bouche fraiche), mais aussi pour les chewing gums et autres friandises rafraichissantes. Le sorbitol est souvent utilisé par la cosmétique moderne en tant qu’agent humidifiant et épaississant.
Action du sorbitol
L’accumulation de sorbitol dans le monde végétal est considérée comme une réponse adaptative des plantes aux contraintes saline, hydrique et de basse température. Le sorbitol s’accumule dans le cytoplasme des cellules végétales où il « mime » la structure de l’eau avec ses fonctions hydroxyles. Il maintient une sphère d’hydratation notamment autour des protéines et élimine les radicaux libres toxiques. Il protège la mémoire des plantes et participe à la résistance au stress hydrique par sa concentration et sa caramélisation autour de la graine.
C’est un agent stabilisant des grosses molécules en suspension dans l’eau. En exemple: l’adjonction de sorbitol à des solutions comme le lait de chaux utilisé en maçonnerie maintient les propriétés viscologiques et la cohésion des grains de carbonate en suspension et généralement instables. Par stable, on parle du maintien des caractéristiques rhéologiques (comme la viscosité dynamique, le seuil de cisaillement ou la viscosité plastique) à des niveaux compatibles avec leur utilisation, leur mise en œuvre, leur manipulation optimale au cours du temps dans des conditions stationnaires, dynamiques ou mixtes. Le sorbitol est aussi utilisé dans la préparation des suspensions buvables d’antibiotique empêchant celui-ci de descendre au fond du flacon, permettant un meilleur mixage et lui assurant une meilleure homogénéité pour une posologie précise. Le sorbitol, avec sa structure cristalline « en aiguilles », conduit aux gommes relativement dures du chewing-gum alors qu’un autre sucre-alcool comme le mannitol mène aux gommes tendres. C’est aussi un agent humectant qui empêche la cristallisation des suspensions à haute densité .Enfin c’est un stabilisateur thermique pour les grosses molécules dans l’intervalle des températures ordinaires.
Il se retrouve aussi dans le métabolisme des glucides chez l’homme et l’animal. Il est également présent dans certains tissus.
Chez l’homme le sorbitol est très mal absorbé par le tube digestif. Ainsi ses capacités édulcorantes le rendent utile pour remplacer le glucose et le saccharose en pâtisserie notamment. Tous ces polyols présentent un effet laxatif et le sorbitol est utilisé comme médicament sans ordonnance afin de traiter la constipation en entrainant l’eau vers le gros intestin, stimulant ainsi ses contractions. En dehors de cette propriété les effets de cette substance sur la santé chez un individu en bonne santé ont été investigués mais rien n’a été démontré.
Association à l’acide hyaluronique (hyaluronate).
L’action du sorbitol permet de réduire par 3 la vitesse de destruction de la chaine d’AH par les radicaux libres et permet donc une rémanence plus importante des résultats. Il stabilise ces mêmes chaines au sein de la préparation par des liaisons ioniques qui rendent la suspension plus stable et plus dense comme pour toutes les solutions dans lesquelles il est incorporé.
Un travail récent portant sur l’utilisation d’un complexe injectable de sorbitol et AH dans l’arthrose du genou confirmer tout l’intérêt de l’association dans la gestion de la douleur.
L’adjonction de sorbitol à l’acide hyaluronique semble réduire le délai d’action de la viscosupplémentation dans la gonarthrose : résultats d’une étude pilote. T Conrozier (1); PM Mathieu (2); Y Mornand (2); O Benoit (3); E Vignon (1); – (1) Pierre-Bénite – France; (2) Lyon – France; (3) Plan les Ouates – Suisse; SFR Lu017 Déc. 2011La viscosupplémentation par injections intraarticulaires d’acide hyaluronique (AH) réduit les douleurs et améliore la fonction des patients gonarthrosiques mais l’amélioration demande souvent 6 à 8 semaines après les injections. L’utilisation d’un viscosupplément innovant constitué d’AH obtenu par biofermentation, de haut poids moléculaire (2mDa) concentré à 2% combiné à du sorbitol hautement concentré (40 mg/ml) doit permettre de confirmer l’hypothèse que l’effet antioxydant du sorbitol qui ralentit la dégradation des chaines d’AH peut aussi réduire le délai d’efficacité antalgique du viscosupplément.
Trente patients souffrant de gonarthrose ont été inclus dans une étude pilote, prospective, ouverte d’une durée de 13 semaines et traités par3 injections à une semaine d’intervalle de 2 ml d’ Anti-OX-vs. Les patients étaient contrôlés à J0, S1, S2 et S13 avec WOMAC en 5 points, douleur à la marche (DM), évaluation globale par le patient (EGP) et par le médecin à chaque visite. Entre la troisième injection (S2) et la fin du suivi (S13) les patients devaient remplir chaque semaine un auto-questionnaire comprenant DM, EGP, et WOMAC A. Les effets indésirables survenus au cours des 13 semaines ont été colligés. Le critère principal était la variation de la DM entre S1 et S3. Les critères secondaires étaient la variation des autres critères d’évaluation entre D0 et S1, S2, S3 S8 et S13 et la variation du WOMAC total entre J0 et S13.
A J0 la DM moyenne était à 2.1 et le WOMAC A 8.3. La diminution de la DM a été significative dès la première injection : DM S1 = 1.6 (p<0.0003) ; DM S3 = 1.5 pour s’accentuer jusqu’à S13 : DM S13 = 1.0 (P<0.0001). Le WOMAC A a diminué dans les mêmes proportions : -2.1, -2, -2 et -3.9 à S1, S2, S8 et S13 respectivement. Cette étude pilote montre que l’amélioration clinique survient immédiatement après la première injection d’Anti-OX-vs, que le résultat obtenu après la première injection était identique à celui noté à S8 par le patient. L’amélioration se poursuit de S8 à S13 comme avec les viscosuppléments classiques.
Les auteurs concluent que cette efficacité rapide est à rapprocher de la présence du sorbitol par le biais de son effet antioxydant ce qui confirme l’hypothèse de travail.
Conclusion.
La viscosupplémentation ne cesse de s’améliorer avec l’introduction de substances protectrices des chaines de hyaluronane. Elles améliorent la durée de présence du viscosupplément dans l’articulation et dans de bonnes conditions rhéologiques. Elles ont par leur action anti inflammatoire et anti radicalaire un effet direct précoce sur la douleur tout à fait bénéfique potentiellement capable de modifier des résultats parfois mitigés dans certaines études de viscosupplémentation et liés probablement pour partie à l’exaspération de patients obligés d’attendre souvent quelques semaines pour être améliorés.