Chapitre 5. Première journée de ski
La montée vers Val Thorens n’avait pas été de tout repos puisqu’il avait fallu mettre les chaines pour arriver à la station. Heureusement que le gendre était là pour aider notre Etienne qui avait ressenti une douleur lancinante dans le pied droit pendant tout le trajet. Cela ne semblait pas dû, selon lui, à la conduite.
A la nuit tombée toute la famille était arrivée au pied du magnifique chalet en bois qui détonnait au milieu des blocs de béton en partie habillés de planches de bois. Ils allaient occuper cette année le rez-de-chaussée, ce qui éviterait les escaliers extérieurs toujours un peu glissants pour monter au niveau supérieur. La voiture avait été rapidement vidée des valises et du matériel de ski pour être rentrée dans le garage sous la maison puisqu’il n’y en avait plus besoin.
L’appartement déjà chauffé les attendait pour leur proposer un joli petit coin-salon de repos qu’Etienne s’était précipité pour occuper car il était fatigué par le voyage. Ce soir-là il s’était contenté avant de se coucher de prendre un grand bol de tisane à la verveine avec 2 paracétamol 500, jugeant que les excès de Noël étaient probablement responsables de la gêne douloureuse du pied et d’ailleurs il avait déjà décidé de consulter le lendemain si le mal de pied persistait car il ne se voyait pas skier ainsi.
Sa chambre était minuscule totalement occupée par le lit à deux places sur lequel il fallait se jeter pour s’étendre mais il était très confortable. Le sommeil était vite arrivé et la nuit avait été excellente contrairement aux appréhensions.
Au premier matin du séjour à la montagne, un soleil magnifique s’était levé par-dessus les masses blanches neigeuses qui barraient l’horizon. La journée allait être belle et la glisse serait bonne. Tout le monde s’était débarrassé rapidement du petit déjeuner pour aller faire la « queue » au guichet des forfaits hebdomadaires et prendre les fameux permis de circuler à travers les différentes remontées mécaniques de la station. Le forfait famille leur permettait de skier ensemble au col de la Chambre en montant par le télésiège des 3 Vallées. Il offrait des pistes pour tous les niveaux car il fallait penser au petit-fils.
Le chaussage n’avait posé aucun problème malgré des pieds un peu engourdis par le froid et la première montée en télésiège avait totalement fait disparaitre les inquiétudes de la veille d’autant que le temps était superbe. La première descente avait été parfaite et Etienne était en forme, sentant bien ses skis qui répondaient parfaitement à ses sollicitations. La journée avait été merveilleuse et tout le monde s’était arrêté vers trois heures de l’après-midi pour se retrouver dans un bar vers le bowling où Etienne avait pris un bon vin chaud avec son gendre accompagné d’une assiette de charcuterie savoyarde. La fin de l’après-midi avait été occupée par une séance de cinéma entre hommes pour visionner « l’Odyssée de Pi » tandis que les épouses étaient allées faire quelques provisions pour les diners à venir dont une raclette pour le soir.
Etienne était rentré au chalet vers 18 heures trente. Son genou gauche était sensible et il lui semblait qu’il était enflé. Il en avait profité pour s’étendre un peu avant le repas en regardant les informations régionales. En se mettant à table, il avait eu l’impression que son genou lâchait InfoProbablement en rapport avec une rechute de l'épanchement. La présence d'eau dans l'articulation en trop grande quantité empêche l'adhésion et le glissement normal des plaques de cartilageet que le pied avait doublé de volume. Il n’avait rien dit à personne, se contentant de regarder avec mépris le bracelet de cuivre qui le narguait depuis 2 jours sans aucune efficacité. La raclette accompagnée de saucisses de MorteauWarning et de viande des GrisonsWarning arrosés d’ApremontWarning avait fait oublier les problèmes articulaires réapparusInfoPas étonnant avec la suspicion de goutte et les warning précédents dès qu’il avait fallu aller se mettre dans un fauteuil pour finir la soirée. C’est sûr, s’était dit Etienne ; demain il se lèverait tôt pour aller consulter le Docteur Lacime qu’il avait déjà rencontré l’an dernier à l’occasion d’une douleur costale après un choc avec un autre skieur. Il ne pouvait pas rester ainsi. ll lui avait d’ailleurs semblé qu’il ne pourrait plus remettre les chaussures de ski.
La nuit avait été difficile. Il avait eu de la peine à trouver le sommeil non pas tant du fait des douleurs que des idées qui passaient dans sa tête : on lui coupait le pied, on lui mettait une prothèse, il avait une jambe de bois, tout y était passé jusqu’au petit matin où le pied avait décidé de le faire mettre debout. Il était 6 heures. Il avait pris une bonne douche très chaude, avalé un grand bol de café accompagné de 2 clémentines et d’une « cracotte » à la confiture de myrtilles puis était monté au centre du village pour attendre dans un café jouxtant le cabinet médical l’arrivée du médecin qui n’allait pas tarder puisque l’ouverture était annoncée à 7 heures. Un petit noir lui avait permis de patienter jusqu’à l’arrivée du praticien qu’il avait très vite reconnu quand il s’était garé avec son petit 4×4 chainé. Aussitôt sorti du café Etienne avait poussé la porte voisine et instantanément le Docteur Lacime l’avait fait rentré dans le bureau alors qu’il avait encore une grosse veste en peau sur le dos et un bonnet recouvrant ses oreilles. Quelle chance ! Il avait pu être le premier.
Il avait rapidement raconté ce qui l’amenait : douleur du genou mais surtout grosse gène surtout nocturne au niveau du pied tandis que son dossier arrivait à la surface vitré d’un écran d’ordinateur. Rien n’avait été perdu depuis l’an dernier et d’ailleurs le médecin de la station lui avait déjà parlé d’un traitement à faire au genou gauche. Il parait qu’il s’en était plaint alors ! Le praticien lui avait alors demandé ce qu’il avait fait comme traitement au cours de cette année et ce qu’il comptait faire ultérieurement compte tenu de cette arthrose connue, lui proposant finalement de réaliser une injection « miracle » d’huile dans le genou pour lui permettre de passer une bonne semaine au ski. Etienne avait tout de suite refusé cette proposition qu’il avait programmée à priori pour son retour à la maison avec son rhumatologue. Sa consultation concernait surtout la douleur du pied dont il pensait qu’elle pouvait être liée aux excès de table de ces derniers jours. Le Docteur Lacime, pas très content du refus de son patient, avait alors regardé le pied droit qui ce matin était normal, peut-être un peu chaud. Sur l’insistance d’Etienne il avait consenti à prescrire une prise de sang pour rechercher le cholestérol et l’acide urique bien certain, comme il l’avait affirmé, que ce n’était pas de la goutte mais des douleurs secondaires à la boiterie provoquée par la gêne du genouInfoSe méfier d'explications pathogéniques tirées par les cheveux et peu scientifiques pour le moins.. Il avait proposé un antiinflammatoireIl n'est pas logique pour ce médecin de donner un antiinflammatoire si, comme il le dit, l'examen apparait normal et si la douleur est considérée comme mécanique. pour 6 jours avec un antalgique opioïde plus puissant que le paracétamol et l’aspirine et avait enfin demandé à notre homme de suspendre le ski pendant 3 jours. « La totale » avait pensé Etienne furieux d’avoir été obligé de refuser un traitement et d’imposer un examen : on ne l’y reprendrait pas.
En sortant il était allé au laboratoire qui se trouvait à deux blocs d’immeuble de la maison médicale pour se faire faire la prise de sang qui lui avait étérefuséelogique: il n'y a rien à dire. car il n’avait pas pris rendez-vous et qu’il n’était pas à jeun. Il reviendrait demain matin pour des résultats dans 3 jours ! Il était retourné au café pour reprendre un petit « noir » en attendant l’ouverture de la pharmacie à 8 heures 30. Le médecin lui avait-il remis le pied en place, le bracelet marchait-il enfin, le café l’avait-il calmé ? Toujours est-il que depuis dix minutes il ne ressentait plus rienOn le répète, la crise de goutte fait mal la nuit et les douleurs diminuent avec le lever du soleil. Les rideaux de la pharmacie qui était en face du café s’étaient ouverts dans un bruit de craquement à réveiller les morts et notre vacancier était entré dans l’officine tendant la première ordonnance de la journée à la jeune et toute frêle préparatrice blondinette qui se tenait devant lui mais derrière son petit comptoir. Papiers avalés, carte Vitale absorbée derrière l’écran d’ordinateur tandis que les rayons de médicaments s’étaient mis à descendre, en quelques instants Etienne avait trouvé devant lui les deux boites de produits magiques qui lui redonneraient le gout au ski car il n’avait jamais eu l’intention d’arrêter ne serait-ce qu’une demi-journée. Il avait écouté plutôt avec les yeux qu’avec les oreilles les conseils d’utilisation de ces médicaments donnés par cette mignonne petite « pharmacienne » (Virginie sur son badge, cela il l’a bien vu aussi) toute bronzée aux yeux si vert. Puis il était parti sans oublier sa carte Vitale, seule chose importante quand on sort d’ici.
IL était retourné au chalet où tout le monde l’attendait et il lui avait fallu pour la troisième fois de la matinée raconter ses tourments pour les minimiser de peur que son épouse ne lui interdise de remonter sur les skis. Il avait pris un grand verre de jus d’orange avec un comprimé triangulaire orange et deux petits bâtons blancsWarningQuel peut être le justificatif de la prise d'un antalgique alors qu'il n'a pas mal depuis la sortie du laboratoire? Doit-il vraiment prendre l'antiinflammatoire sans diagnostic précis?. Il avait pensé tout d’un coup qu’on ne lui avait rien donné pour l’estomac car les antiinflammatoires sont d’habitude agressifs pour cet organe même s’il en avait jamais souffert.
Il est 10 heures ce matin du 2° jour passé à la montagne. Toute la famille retourne, skis sur les épaules, chaussures aux pieds, bonnet sur la tête et gants aux mains, à la gare du télésiège pour entamer une nouvelle journée de glisse. Le ciel est bleu, il n’y a aucun vent et le soleil est déjà haut.
Etienne à cet instant est ivre de bonheur. Il ne souffre de rien et se surprend à chanter « La mezza Luna » : c’est la petite Virginie qui lui a donné la « pêche »… Il est assis sur le fauteuil de la remontée mécanique bien calé et bloqué derrière la barre de sécurité, les skis pendants dans le vide retenus par deux pieds et deux genoux indolores. « Si jamais c’est ça : la goutte, on tiendra jusqu‘au retour à la maison ».
D’ailleurs se dit-il, en regardant tous ces grands sommets qui se rapprochent à grande vitesse: « Pourquoi le docteur Lacime voulait me piquer le genouInfoOn peut aussi se poser la question! Une viscosupplémentation ne se fait pas dans l'urgence mais participe au traitement de l'arthrose selon des recommandations validées.? »