COMBINAISONS D’ACIDE HYALURONIQUE ET DE NOUVELLES SUBSTANCES : PERSPECTIVES.

Par E Bizzi (Italie-Rome)

L’orateur commence par positionner la problématique en précisant que l’objectif est d’améliorer les effets bénéfiques actuels de l’acide hyaluronique (AH) en répondant aux points suivants:

  • augmenter l’effet antalgique : l’effet antalgique de AH est certain et la douleur est généralement diminuée de 40 à 50% au niveau du genou lorsqu’on prend pour référence des méta analyse comme celle de S, Colen (1,2) publiée en avril 2012 ou celle concernant le Synvisc réalisée par A. Migliore (3). La diminution est plus variable au niveau de la hanche : entre 30 et 60% selon les travaux. Mais cette action doit être relativisée par l’effet placebo important lié à cette forme locale de traitement, par l’absence de grandes études contrôlées, l’addition en contrepartie dans l’analyse de cohortes de nombreux travaux disparates.
  • augmenter la durée d’action : on admet (4) que l’effet obtenu par AH apparait vers la 4° semaine, atteint son maximun à 2 mois et reste perceptible à 6 mois.
  • réduire le nombre des interventions locales : cel est possible et souhaitable pour améliorer la compliance et diminuer les couts tout en améliorant et en optimisant les résultats cliniques actuels.
  • améliorer l’effet anti-inflammatoire et ralentir la progression de la maladie : diminuer ainsi la co-médication et les arrêts de travail, améliorer la qualité de vie et réduire le besoin d’assistance, retarder la mise en place des prothèses.
  • proposer différentes substances aux stades différents de la maladie.

L’ISIAT propose ainsi à l’écoute cette année des communications sur de nouveaux viscosuppléments associant:

  • AH et mannitol permettant des améliorations d’au moins 6 mois de la douleur et de la fonction dans l’arthrose du genou selon une étude espagnole de A. Borràs-Verdera publiée en juillet 2012
  • AH et carnosine ;: la carnosine, un composé physiologique formé d’amino acides (β-alanine et histidine) protège le AH de la dégradation et élimine les réactions oxydatives augmentant ainsi sa durée de vie intra articulaire selon un travail de F. Drafi (10) publié en décembre 2010 et un autre de A. Migliore (11) présenté au SIR 2011
  • AH et chondroïtine sulfate dont la synergie bénéfique a été mise en évidence par Y Henrotin (5)sur des critères clinique, échographique et biochimiques dans un travail publié en aout 2012 dans BMC Res Notes. Les résultats peuvent être retrouvés dans l’article précédent en rapport avec cette publication.
  • AH et sorbitol : le sorbitol est un capteur de radicaux libres améliorant le temps de résidence intra-articulaire de l’AH quand il il lui est associé. Des travaux comme ceux de J. Heisel (6) publiés dans Drug Res (Stuttg) en avril 2013, de T. Conrozier (7) présentés à l’ECCEO en 2011 ou de A. Migliore concernant la SYCA study en attente de publication en témoignent. Ces derniers auteurs confirment qu’ils obtiennent ainsi plus de 50% de réduction de la douleur dans la gonarthrose à 6 mois. HA/sorbitol est par ailleurs parfaitement toléré.
  • AH et triamcinolone (dérivé de la cortisone) : cette association (Hydros-TA) est proposée par RJ. Petrella (8), est en cours d’analyse à la suite d’une étude mulicentrique randomisée en double aveugle contre Hylan G-F20 (Synvisc). L’injection étudiée correspond à 52 mg de HA et 10 mg de triamcinolone (perles d’hydrogel de Ha dans une solution de HA avec perles de HA emprisonnant 10 mg du dérivé corticoïde). Hydros-TA montrerait une action plus rapide que le AH sans cortisone.
  • AH et mannitol : le mannitol se comporte aussi comme un anti-oxydant capteurs de radicaux libres. C’est un isomère du sorbitol plus facile à utiliser que ce dernier en pathologie humaine. Un étude espagnole de A. Borràs-Verdera (9) a été publiée en juillet 2012 dans une  revue espagnole que nous avons mis en ligne avec les résultats il y a peu.
  • AH et ozone : l’association thérapeutique a été décrite  depuis de nombreuses années et de façon anecdotique dans différentes affections musculo-squelettiques chez des patients partiellement répondeurs à l’AH seul mais l’ utilisation du gaz n’est pas encore parfaitement codifiée et on manque sérieusement de bonne publications en dehors d’un travail préliminaire récent de R. Cardelli (12) avec Hyalubrix et ozone dans l’arthrose de hanche.
  • AH et PRP : l’association n’a pas encore été proposée dans l’arthrose mais des travaux ont été réalisés à l’occasion de la chirurgie dans le névrome plantaire de Morton, pour accélérer la formation osseuse et suppléer à ses grosses pertes de substance (13,14,15).
  • AH, PRP et MSC (cellules-souche mésenchymateuses) peuvent aussi être envisagés puisque V Cervelli (16) ou K. Okabe (17) proposent l’association dans la régénération tissulaire au cours des délabrements des membres inférieurs notamment.

La liste n’est pas complète puisque l’orateur signale l’existence de 20 études d’associations de produits divers avec de l’AH dans le monde et touchant au domaine de la dermatologie, de l’ophtalmologie et de la chirurgie osseuse réparatrice.

On comprend donc que nos besoins sont une excellente opportunité pour les laboratoires. On a actuellement de nombreux AH qui n’ont guère de différences et beaucoup d’études qui les comparent. Ce sont des travaux sur des petits nombres de sujets souvent différents et ne montrant qu’un faible niveau d’évidence. On a désormais besoin pour l’AH et ses associations de plus grandes études sur des populations plus larges avec des méthodologies comparables pour les réunir et obtenir ainsi plus que des évaluations cliniques nécessaires mais aussi des précisions pharmaco-économiques justifiant dans un rapport coût/efficacité  leur utilisation. Cela implique aussi d’obtenir une efficacité antalgique durable maximale associée à un effet structural et une meilleure stratégie de prise en charge des répondeurs partiels. Il est certain que ce travail nécessaire implique un changement d’attitude des laboratoires puisque les acides hyaluroniques actuels sont considérés comme des aides techniques ne demandant pas d’études très larges comme cela est imposé pour un médicament. Comme l’AH montre de plus en plus des effets pharmacologiques comme ses associations à d’autres molécules comme la cortisone ou les bisphosphonates par exemple, il faudra bien à un moment ou à un autre qu’il passe au statut de drogue.

Bibliographie de l’orateur

  1. Colen S, van den Bekerom MP, Mulier M, Haverkamp D. Hyaluronic acid in the treatment of knee osteoarthritis: a systematic review and meta-analysis with emphasis on the efficacy of different products. BioDrugs. 2012 Aug 1;26(4):257-68
  2. Colen S, Haverkamp D, Mulier M, van den Bekerom MP. Hyaluronic acid for the treatment of osteoarthritis in all joints except the knee: what is the current evidence? BioDrugs. 2012 Apr 1;26(2):101-12
  3. Migliore A, Giovannangeli F, Granata M, Laganà B. Hylan g-f 20: review of its safety and efficacy in the management of joint pain in osteoarthritis. Clin Med Insights Arthritis Musculoskelet Disord. 2010 Sep 20;3:55-68.
  4. Bannuru RR, Natov NS, Dasi UR, Schmid CH, McAlindon TE.  Therapeutic trajectory following intra-articular hyaluronic acid injection in knee osteoarthritis–meta-analysis. Osteoarthritis Cartilage. 2011 Jun;19(6):611-9.
  5. Henrotin Y, Hauzeur JP, Bruel P, Appelboom T. Intra-articular use of a medical device composed of hyaluronic acid and chondroitin sulfate (Structovial CS): effects on clinical, ultrasonographic and biological parameters. BMC Res Notes. 2012 Aug 4;5:407.
  6. Heisel J, Kipshoven C. Safety and Efficacy Findings from a Non-interventional Study of a New Hyaluronic Acid/Sorbitol Formulation (GO-ON® Matrix) for Intra-articular Injection to Relieve Pain and Disability in Osteoarthritis Patients. Drug Res (Stuttg). 2013 Sep;63(9):445-9.
  7. Conrozier T.& al. Early efficacy   of a novel viscosupplement combining hyaluronic acid and sorbitol, ANTI-OX-VS (Synolis) in  patients with knee osteoarthritis. ECCEO (2011).
  8. Petrella RJ. Hydros Joint Therapy and Hydros-TA Joint Therapy for Pain Associated With Knee Osteoarthritis (OA). Carbylan BioSurgery, Inc. London Health Sciences Centre Research. London, Ontario, Canada, N6A 4G5
  9. Borrás-Verdera A, Calcedo-Bernal V, Ojeda-Levenfeld J, Clavel-Sainz C. Efficacy and safety of a single intra-articular injection of 2% hyaluronic acid plus mannitol in knee osteoarthritis over a 6-month period. Rev Esp Cir Ortop Traumatol. 2012 Jul-Aug;56(4):274-80.
  10. Drafi F, Bauerova K, Valachova K, Ponist S, Mihalova D, Juranek I, Boldyrev A, Hrabarova E, Soltes L. Carnosine inhibits degradation of hyaluronan induced by free radical processes in vitro and improves the redox imbalance in adjuvant arthritis in vivo. Neuro Endocrinol Lett. 2010;31 Suppl 2:96-100.
  11. A. Migliore, E. Bizzi, U. Massafra, V. Benetti, M. Polzella, D. Benetti. In vitro effect of Hyaluronic acid, Carnosine and Hyaluronic Acid+Carnosine on Bovine Articular Cartilage after oxydative stress (Preliminary Study). ICRS 2009, SIR 2011
  12. R. Cardelli, E. Benedetti. Osteoarthritis of the Hip Treated by Intra-Articular Infiltration of Oxygen-Ozone and Hyaluronic Acid (Hyalubrix): Preliminare Results. ISIAT 2011   Rome.
  13. De Angelis B, Lucarini L, Orlandi F, Agovino A, Migner A, Cervelli V, Izzo V, Curcio C. Regenerative surgery of the complications with Morton’s neuroma surgery: use of platelet rich plasma and hyaluronic acid. Int Wound J. 2013 Aug;10(4):372-6.
  14. Ohba S, Wang W, Itoh S, Takagi Y, Nagai A, Yamashita K. Efficacy of platelet-rich plasma gel and hyaluronan hydrogel as carriers of electrically polarized hydroxyapatite microgranules for accelerating bone formation. J Biomed Mater Res A. 2012 Nov;100(11):3167-76.
  15. Cervelli V, Lucarini L, Spallone D, Palla L, Colicchia GM, Gentile P, De Angelis B. Use of platelet-rich plasma and hyaluronic acid in the loss of substance with bone exposure. Adv Skin Wound Care. 2011 Apr;24(4):176-81.
  16. Cervelli V, De Angelis B, Lucarini L, Spallone D, Balzani A, Palla L, Gentile P, Cerulli P. Tissue regeneration in loss of substance on the lower limbs through use of platelet-rich plasma, stem cells from adipose tissue, and hyaluronic acid. Adv Skin Wound Care. 2010 Jun;23(6):262-72.
  17. Okabe K, Yamada Y, Ito K, Kohgo T, Yoshimi R, Ueda M. Injectable soft-tissue augmentation by tissue engineering and regenerative medicine with human mesenchymal stromal cells, platelet-rich plasma and hyaluronic acid scaffolds. Cytotherapy. 2009;11(3):307-16.

Notre avis.

La conclusion de E. Bizzi est ferme. Plus on va vers la démonstration d’effets pharmacologiques de l’AH, plus on s’oriente vers le statut de médicament. Nous avons probablement perdu 10 ans de recherche en imposant aux AH pour qu’ils puissent avoir le droit d’être proposés à remboursement des seules études de non-infériorité quand on sait qu’il sont tous à peu de choses près identiques provenant en majorité d’une production bactérienne avec des poids moléculaires affichés pas toujours en rapport avec la réalité, avec une réticulation variable. Aujourd’hui les visco-suppléments de 2° génération apportent plus avec des associations de molécules actives qui renforcent leur action, avec des volumes adaptés aux différentes articulations, avec des consignes d’utilisation de plus en plus précises. Il faut se ranger à l’avis de l’orateur car l’utilisation d’un AH associé à une cortisone ou un AINS (ce n’est pas pour nous l’association la plus intéressante d’ailleurs, entrant en contradiction avec l’idée princeps de la viscosupplémentation) ou d’autres molécules actives comme des protéines anticorps ou antienzymes devient le résultat d’un choix de médicaments à effets pharmacologiques. Qui va suivre?