NOUVELLES AVANCEES DANS LA VISCOSUPPLEMENTATION

      Présentation de Yves Henrotin à l’ISIAT 2013 Barcelone - un résumé par médecin 42140

L’article est probablement un peu scientifique et conviendra plutôt à un professionnel de santé mais il permettra aussi de découvrir certaines avancées dans le traitement par viscosupplémentation et la façon dont les viscosuppléments finissent par arriver sur le marché après des années de travail et de recherche

Yves Henrotin, professeur de l’Université de Liège dans le département médical des sciences de la motricité, grand spécialiste du dosage des marqueurs de l’arthrose et de la recherche dans ses mécanismes d’apparition et dans ses traitements a fait une très belle intervention au cours de  l’ISIAT 2013 à Barcelone le 4 octobre. Il a présenté de nouvelles possibilités thérapeutiques à partir des acides hyaluroniques (AH ou HA anglosaxon) et autres substances.

Il a bien sûr brièvement rappelé l’origine de cette substance dans l’articulation qui est  synthétisée dans la membrane synoviale par les synoviocytes B lesquels se déchargent de leur fabrication dans la cavité articulaire. On sait que cette chaîne sucrée est formée de milliers d’unités de disaccharides formant des maillons tous identiques et constitués d’un N acétylglucosamine associé à un acide glucuronique. Cette substances va ainsi s’accumuler sur le cartilage et à la surface des ligaments pour assurer la lubrification des zones frontières. Il a aussi à nouveau précisé que l’acide hyaluronique dans l’arthrose voit son poids moléculaire diminuer entrainant une baisse de la viscosité du liquide synovial et en relation avec des réactions oxydatives accrues et une activité enzymatique par les hyaluronidases accélérée.

Il a signalé les difficultés rencontrées aujourd’hui par les acides hyaluroniques classiques de base (ceux que l’on pourrait nommer comme de 1° génération): faible temps de résidence intra-articulaire, efficacité basse à modérée selon les auteurs et les études, non présence dans les recommandations thérapeutiques récentes de l’arthrose du genou. Cela justifie amplement, selon lui, d’ augmenter la durée de vie de la substance dans l’articulation, d’augmenter son efficacité clinique et de prouver avec certitude son effet structural sur le cartilage. On serait alors en présence d’une drogue capable de prendre en charge la maladie arthrosique.

Aujourd’hui nous avons donc des AH d’origine aviaire ou des produits issus de la fermentation bactérienne plus ou moins réticulés avec formations de ponts entre les chaines par procédé chimique aboutissant à des gels.

Les AH nouveaux (de 2° génération) apportent donc une meilleure protection de la chaîne avec association de mannitol ou sorbitol et tocophérol. (ces substances ont un effet anti oxydant empêchant les cassures de la chaîne mais à des concentrations élevées peuvent avoir aussi un effet propre intéressant)

Pour un demain très proche on s’oriente vers des associations d’AH/anti-infammatoires cox1 ou cox 2, des AH/corticoïde, des AH/doxycycline, des AH/chondroïtine, des AH/chlonidine  ou encore des AH/anticorps. L’AH sera le support de médicamentsrajoutant leur effet propre et délivrés dans l’articulation.

Mais on met aussi au point de nouvelles molécules jouant un rôle certain dans la viscosupplémentation comme la lubricine ou le chitosan.

L’orateur nous présente ainsi une étude réalisée par Palmieri cette année avec un AH sur lequel est accroché un antiinflammatoire: le diclofenac ou un antiosteoclastique antalgique: le clodronate. Le travail a inclus 62 patients avec arthrose du genou répartis en 3 groupes : groupe AH seul, groupe AH diclofenac et groupe AH et clodronate. Le suivi a été de 6 mois avec une surveillance biologique comportant VS et CRP, une surveillance clinique avec EVA douleur. Les résultats sur la VS et la CRP montrent une baisse de ces valeurs qui est la plus nette pour le groupe clodronate. L’auteur du travail conclut que le AH en combinaison avec des drogues est réalisable sans aucune complications supplémentaires.

Il nous présente aussi un travail personnel de 2012 sur un AH lié à du chondroïtine sulfate (CS) réalisant un hydrogel hautement visqueux . Il précise que le CS a dans cette étude deux rôles : amélioration des propriété rhéologiques du produit préparé et régulation connue du métabolisme du cartilage comme composant de la synthèse des glycosaminoglycanes. Il a inclus 30 patients atteints gonarthrose femoro-tibiale qui ont reçu 3 injections à une semaine d’intervalle de 2 ml. d’un gel contenant 24 mg de AH et 0 mg de CS. Les sujets étaient suivis pendant 12 semaines sur le plan clinique avec un indice de Lequesne, sur le plan biologique avec une VS et des biomarqueurs de l’arthrose, enfin en imagerie par échographie.

 L’intensité de la douleur a été réduite de façon statistiquement significative dès la 6° semaine et se confirmant à la 12° semaine.

 Il n’y a pas eu de modification échographique statistiquement significative mais une tendance à la réduction des épanchements et de l’inflammation synoviale. Les biomarqueurs ont été modifiés suggérant que le AH/CS avait tendance à rétablir une bonne homéostasie du métabolisme cartilagineux.

 L’orateur nous demande de retenir que le HA/CS induit une diminution très rapide de la douleur. Même s’il s’agit d’une étude ouverte, les modifications échographiques et biochimiques suggèrent que l’effet du HA/CS dépasse largement celui que pourrait avoir un effet placébo. Il est certain que cette étude demande un contrôle dans une étude en double aveugle sur une taille de participants plus élevée.

Il nous informe de l’utilisation récente de nouvelles molécules avec le chitosan (un dérivé de la chitine cousin de l’AH) et la lubricine dans le cadre de la «tribosupplémentation» et nous donne quelques résultats préliminaire d’un travail de GD Jay publié dans Arthritis and Rheumatism en 2012 et réalisé avec une arthrose expérimentale chez le rat avec quatre groupes d’animaux : un groupe avec arthrotomie seule, un groupe avec section du croisé antérieur (ACLT) sans traitement, un groupe avec ACL et placébo (PBS) et enfin le dernier groupe avec ACL et injection de lubricine (HSL) à 80 µg/50 µl. Il nous montre les résultats avec une amélioration significative du groupe traité par la lubricine tant sur le plan anatomique que sur le plan biologique notamment sur le taux des CTX II

 Il nous expose dernièrement les résultats de ses études sur une nouvelle classe de produits injectables en intra-articulaire associant du chitosan et de l’alginate emperlés et mélangés à un hydrogel de chitosan selon une formule brevetée.

 Il a réalisé une arthrose expérimentale chez le lapin avec section du croisé antérieur puis injecté soit l’hydrogel seul, soit l’hydrogel avec les perles, soit un placebo une semaine après la chirurgie. Des radiographies ont été pratiquées le jour de la chirurgie, le jour de l’injection et au moment du sacrifice soit 6 semaines après l’injection. Les résultats radiologiques sont en faveur d’un net effet réducteur de la sévérité de l’arthrose avec des résultats  significatifs.

 Les mêmes résultats positifs est hautement significatifs sont obtenus sur le plan histologique avec une nette réduction des lésions cartilagineuses histologiques.

Voilà résumée la communication de Yves Henrotin qui termine son exposé en nous faisant rêver par l’image d’articulations régénérées par les traitements locaux malgré le grand âge.

Notre avis

La viscosupplémentation à l’acide hyaluronique avance vite, bientôt renforcée par de nouveaux produits physiologiques lubrifiants ou de nouvelles substance biocompatibles aux effets comparables. Il est sûr que les produits de demain ne seront plus ceux d’aujourd’hui et que l’apparition des viscosuppléments de 2° génération commercialisés depuis bientôt un an en est une preuve certaine. Ils remplacent progressivement les préparations anciennes. Les travaux de Yves Henrotin confirment ce que nous avons toujours dit concernant l’acide hyaluronique: il est de plus en plus urgent et nécessaire de poursuivre les travaux de recherche dans les mécanismes d’action de l’acide hyaluronique en oubliant un peu la façon dont a été imposé cette substance au monde du rhumatisme: un complément mécanique apporté à une défaillance mécanique. Nous voyons bien que l’AH est surement une substance avec un effet structurel déjà montré par les travaux de T. Conrozier dans Biovisco et confirmés par ceux de l’orateur du jour qui est d’ailleurs co-auteur des précédents. C’est avec ce type de recherche que l’on pourra proposer aux autorités de santé une meilleure vision et un meilleur remboursement de ces traitements. Elles n’attendaient peut-être que cela!