Chapitre 9 Première viscosupplémentation à l’acide hyaluronique
Etienne Saint avait trouvé en fin de semaine, alors qu’il surfait sur le net à la recherche d’informations sur la viscosupplémentation, le site de l’acide hyaluronique dans l’arthrose. www.hyaluronique-arthrose .com. C’était une mine de renseignements sur ce traitement qu’il allait probablement affronter à l’occasion de son prochain rendez-vous chez le rhumatologue le Jeudi 10 janvier. D’ailleurs il était très content d’y retourner car son genou gauche n’était pas parfait. Il en souffrait régulièrement dès lors qu’il le sollicitait un peu, que ce soit pour la marche ou à l’occasion de petites séances de tirs au but qu’il s’était octroyé ces derniers débuts d’après-midi. Il devait prendre régulièrement du paracétamol matin et soir. Il n’en restait pas moins vrai qu’il avait pu faire une semaine de ski sans gros problème et cela c’était vraiment inespéré quand il considérait la situation au début de décembre de l’an dernier. Il fallait aussi qu’il règle ce problème d’acide urique. Certes depuis samedi dernier il n’avait plus mal au pied et au poignet : il avait pris 1 comprimé de colchicine 1 mg tous les jours mais le résultat des analyses de sang était sans appel ; son taux d’acide urique était à 82 mg/l nettement plus que toléré alors que sa fonction rénale était normale comme le lui avait confirmé le laboratoire. Il s’attendait donc à devoir poursuivre le régime qu’il avait commencé assez intuitivement mais il n’excluait pas un traitement complémentaire.
Il avait noté que l’introduction d’acide hyaluronique dans une articulation atteinte d’arthrose techniquement appelée viscosupplémentation mais aussi viscoinduction était une étape dans le traitement de l’affection qui survenait après l’échec, la contrindication voire l’insuffisance de moyens thérapeutiques classiques introduits successivement et selon un ordre dicté par des recommandations d’experts. Cela l’avait rassuré et il avait bien compris que le médecin comme le patient étaient des acteurs dans l’arbre décisionnel.
Il avait résumé, avant de retourner chez le rhumatologue, son traitement entamé à la fin de l’été. Il avait comporté le repos, les topiques locaux les antalgiques, les cures courtes d’anti-inflammatoire et le traitement de fond à base de glucosamine depuis plus de 3 mois. Il avait eu 2 infiltrations de cortisone à quelques semaines d’intervalle, la dernière remontant à 3 semaines environ. Il avait repris quelques jours d’un antiinflammatoire au début de cette crise de goutte sans qu’il puisse dire si finalement cela lui avait apporté un quelconque soulagement pour le genou. Il continuait à être gêné dans sa vie quotidienne avec un périmètre de marche limité à 1 kilomètre, une raideur importante lorsqu’il se relevait de sa chaise après être resté assis longtemps devant l’ordinateur et un besoin de dérouillage articulaire de 5 bonnes minutes le matin au lever. Il devait prendre régulièrement un antalgique pour ne pas avoir mal au genou. D’ailleurs il avait l’impression que le genou droit prenait le même chemin. Par contre il avait l’impression que l’articulation était plus solide.
C’est dans ces conditions qu’Etienne Saint se présente aujourd’hui à 13 heures 40 chez le Docteur Gérard Manfaimieux. Il est arrivé avec un peu d’avance en compagnie de son épouse qui tenait absolument à assister à la consultation (notre homme en connait bien les raisons : c’est l’histoire du régime qu’il faudra bien aborder ce jour). La salle d’attente est déjà occupée par un jeune couple. La conversation s’engage rapidement : Madame s’est coincée le dos en voulant soulever Monsieur qui avait fait une chute dans le couloir de la cave en glissant sur du sable qui avait été étalé pour absorber de l’huile malencontreusement répandue depuis un sac d’ordure. C’est en somme un lumbago comme lui a dit son médecin traitant qui l’envoie pour tenter une remise en place de la vertèbre qui a sauté et il parait que notre rhumatologue est aussi vertébrothérapeute : c’est comme ostéopathe ou chiropracteur leur a-t-on dit. La secrétaire leur a dit de venir un peu tôt pour qu’elle puisse mettre Madame entre deux clients dans l’après-midi car autrement il n’y a plus de place. A son tour Etienne expose son problème de genou. Il semble que ce soit le même cas que celui du beau-père de la jeune femme qui attend. Il apprend que cet homme a eu une injection de collagène avec un excellent résultat. Comme Etienne connait désormais bien le sujet, il rectifie et signale qu’il ne s’agit pas de collagène mais d’acide hyaluronique. Le collagène, c’est une fibre qui constitue l’armature du cartilage ou de la peau ou de l’os alors que l’acide hyaluronique, c’est une longue chaine de sucres qui capte les molécules d’eau donnant la fermeté et la souplesse aux tissus. C’est un peu comme le béton armé : la ferraille c’est le collagène et le ciment plus ou moins dosé additionné de sable et gravier en quantités variables pour faire varier la souplesse du béton c’est l’acide hyaluronique. C’est du moins l’image qu’il s’est fait de ce composant de l’organisme que l’on trouve de partout dans le corps humain mais aussi dans l’ensemble du monde animal. Tandis qu’il impressionne son auditoire par son savoir, le médecin arrive avec un large sourire, tout bronzé (Il doit revenir du ski pourtant il l’a eu au téléphone au tout début de l’année. Il a dû faire un transfert d’appel) et demande sans la moindre hésitation à notre héros de rentrer. Le lever du siège pourtant déjà haut (il l’avait remarqué la première fois) est un peu difficile et madame l’aide (il a un peu honte mais que faire ?). Rentré dans le cabinet et à nouveau assis en face du praticien, celui-ci n’y va par quatre chemin ; « Alors Monsieur Saint ce n’est pas terrible ce genou, il va falloir compléter le traitement comme convenu. Mais auparavant je voudrais savoir comme va le poignet depuis votre coup de fil ? Prenez-vous toujours de la colchicine ? Avez-vous commencé un régime ? » Etienne confirme tout cela et signale que poignet et pied vont vraiment bien depuis le début de la semaine alors que le genou gauche le gène vraiment malgré les antalgiques et la limitation de l’activité. Les propos sont confirmés par Madame qui en profite pour énumérer les excès alimentaires de ces dernières semaines responsables selon elle de la crise de goutte récente, ce que confirme le médecin en insistant sur le rôle majeur du régime avant tout traitement spécifique de l’hyper uricémie. La décision ne doit intervenir qu’après une nouvelle analyse dans un délai de 2 à 3 mois. Cette période est consacrée à poursuivre le régime sans alcool, viandes rouges ou faisandées, abats, charcuteries, coquillages et crustacées, chocolat, bière, à boire régulièrement une demi bouteille de Vichy Célestins pour alcaliniser les urines. En l’absence de nouvelle crise et avec une uricémie normalisée, il conviendra de poursuivre cette règle alimentaire toujours plus simple que la mise en route d’un traitement spécifique. La colchicine peut être arrêtée en fin de semaine. Il en vient donc au genou gauche. Etienne précise d’emblée que cela va beaucoup mieux mais qu’il persiste une gêne à l’origine d’un handicap fonctionnel certain avec limitation de la marche, raideur matinale avec période de dérouillage, difficulté à la descente des escaliers. Il n’a plus mal la nuit et prend assez régulièrement du paracétamol qui le soulage d’au moins moitié dans l’heure qui suit sa prise et pendant une petite demi-journée. Il souhaite réellement un plus afin de pouvoir reprendre une vie active normale même s’il a pu skier sans problème pendant une semaine.
Cette discussion se poursuit alors que le praticien suggère au patient de se déshabiller. Etienne qui a compris la leçon de la première consultation se retrouve rapidement en slip et va s’étendre sur la table rejoint par le médecin. Ce dernier regarde à nouveau les lobes des oreilles, les coudes, les pieds et les poignets. Puis il examine le genou gauche. Celui-ci ne comporte pas d’épanchement cliniquement individualisable ; il n’y a pas d’eau. Il est donc licite de proposer une viscosupplémentation puisque le traitement classique bien fait dont des infiltrations n’a pas permis de retrouver une fonction à peu près normale. Le patient n’ose pas parler du genou droit qui l’inquiète un peu ces temps -ci et c’est le médecin qui aborde le problème après l’avoir examiné: il y a un petit problème. Il faudra ramener les radiographies la prochaine fois.
On en vient donc à la décision thérapeutique. La proposition faite à notre homme lui convient. Reste le choix de la méthode et du produit à utiliser. Et curieusement alors qu’Etienne sait tout sur l’acide hyaluronique, il précise d’emblée au docteur Manfaimieux qu’il s’en remet à sa décision, incapable de choisir entre les différentes préparations. Il accepte pour une première fois de se plier au protocole classique de soin avec 3 injections d’acide hyaluronique séparées entre elles par un intervalle d’une semaine, il laisse de choix du produit en optant pour une formule comportant un remboursement forfaitaire de 100 euros. Tout cela semble satisfaire très largement le praticien qui propose de commencer aujourd’hui cette viscosupplémentation (Etienne devra cependant être très sage dans l’après-midi et la soirée et se reposer. Madame a bien entendu cela et le répète à son mari).
Le médecin va se laver les mains avec du savon liquide, il se frotte les ongles et se rince. Il procède à la désinfection de la peau du genou d’Etienne selon la même procédure que lors de la ponction. Il avait sorti une ampoule enfermée dans un blister qu’il avait ouvert. L’aiguille traverse la peau en un quart de seconde sans douleur particulière. Une seringue sèche est mise au bout de l’aiguille et sert à vérifier l’absence de gros épanchement. L’aspiration ramène un petit centimètre-cube d’un liquide couleur paille très clair, cela suffit à affirmer que l’aiguille est dans la cavité articulaire. La seringue enlevée est remplacée par celle d’acide hyaluronique qui est alors injecté sans aucun problème dans le genou. Aiguille et seringue sont retirées prestement et vont dans une grosse boire ronde jaune. La première viscosupplémenttion a commencé. « Même pas mal » se dit Etienne qui n’hésitera pas à revenir comme cela a été le cas aujourd’hui. Un petit pansement recouvre le point d’effraction cutanée. Notre homme se rhabille après s’être relevé sans hésitation ni malaise et retourne vers son fauteuil. Le praticien l’a précédé après un petit passage au lavabo et prépare les ordonnances pour le produit de la viscosupplémentation, pour le régime de la goutte, pour un antalgique et pour une prise de sang dans 10 semaines. Il rédige un petit mot au médecin traitant pour lui confirmer les orientations thérapeutiques à venir. Tout cela terminé, il relève la tête et tourne son regard vers Etienne.
« Vous prendrez le produit prescrit en pharmacie et le conserverez à température ambiante, vous n’ouvrirez pas la boite et encore moins les blisters de protection, vous ne l’oublierez pas avant de revenir la semaine prochaine. Vous mettrez de la glace si vous avez mal dans la soirée. Si la douleur déterminée par l’injection persiste au-delà 48 à 72 heures, vous me rappelez. En somme c’est comme avec l’infiltration ». Etienne a tout écouté.
Tout le monde se lève et se rend vers le secrétariat pour fixer les rendez-vous ultérieurs. C’est parfait. La feuille de soin a aussi été remplie et Madame fait le chèque correspondant. Le Dr Manfaimieux est retourné vers son bureau emmenant avec lui la jeune femme atteinte de lumbago.
Catherine la secrétaire donne un petit pense-bête. Des souhaits de bonne année associée à une bonne santé sont émis et Etienne en profite pour extirper une joli bise des lèvres de cette petite brune qui décidément est bien une grande copine désormais..