Chapitre 22. Etienne est revenu

On est le 14 juillet et Etienne est sur les Champs Elysées à Paris où il vient de faire une halte avant son retour en province. Son voyage transatlantique sur le Queen Mary II a été parfait: quel navire! Il est arrivé il y a 2 jours à Southampton avec son épouse et a pris le train pour Londres St Pancras, le terminus des Eurostars, par la gare de Waterloo. Hier, ils ont passé la journée dans le quartier de Camden à tenter de revendre les différents vêtements qu ‘ils avaient acquis au cours de leurs 3 mois de périple Ils avaient décidé de ne rien ramener sur le continent. Finie la vie de soixante-huitards qu’ils venaient de clôturer dans ce ville, oh combien cosmopolite, de Londres. Ils n’avaient pas été en âge d’y gouter dans les années 1965-70. Le couple n’avait qu’une quinzaine d’années à l’époque, quand la France s’emballait pour San Francisco et Sausalito.

Ils ont couché dans un hôtel sur Eurston Road tout près de la gare pour pouvoir sans encombre prendre le train ce matin à 6 heures. Les valises étaient pratiquement vides puisqu’ils avaient finalement trouvé un marchand indien qui leur avait tout acheté contre une statue en bronze de Shiva avec son serpent et son trident: une très belle pièce, bien évidement… unique sur le marché, qui portait bien entendu… bonheur et santé, ce dont ils n’avaient pas besoin d’ailleurs… tant ils en étaient pourvus.

Aujourd’hui notre héros assiste pour la première fois au défilé de la fête nationale et il a pu se mettre place de la Concorde sans ses valises qu’il a déposé à la consigne de la gare St Lazare.  Pendant qu’il regarde passer les troupes et engins successifs, il fait le bilan santé de ces quelques derniers mois parce qu’il est debout depuis maintenant près d’une heure sans bouger et sans douleurs et cela l’interroge. Il n’a plus mal aux genoux et a pu faire le tour du monde, il n’a plus mal à l’épaule et a pu porter ses valises, il n’a pas refait de crise de goutte et n’a pas de traitement. D’ailleurs, tiens c’est vrai, il n’a pas fait en avril la prise de sang préconisée. En plus il n’a pas été aux visites de surveillance post-injections prévues dans le protocole qu’ il avait signé et concernant la viscosupplémentation du genou D avec Happyvisc. Il s’en souvient maintenant, étant parti en oubliant tout. Mais il avait envoyé une  carte postale au docteur Manfaimieux  depuis Katmandou pour le remercier: le praticien aura pu supposer ainsi qu’il n’était pas mort! Quel bonheur d’avoir pu bénéficier de ce traitement purement français, lui avait-on dit. il y pense en ce beau matin de juillet quand ce grand pays présente au monde ses dernières merveilles technologiques en matière d’armement. Dès qu’il sera arrivé lundi, il téléphonera pour reprendre contact avec le rhumatologue et sa …secrétaire.

Un mouvement de foule inattendu se produit à l’arrivée du dernier parachutiste descendu des cieux et voilà notre Etienne bousculé qui se tape l’épaule contre un poteau. Il ressent une violente douleur, ne peut plus bouger le bras, reste  tétanisé et livide appuyé à une barrière qu’il a pu approcher. La statue de Shiva n’est d’aucun secours, elle est dans la valise, Madame est inefficace, paralysée par l’inquiétude. Deux pompiers, venus d’on ne sait où, arrivent sur place et prennent en charge Etienne, terrassé par une angoisse naissante: et si c’était le cœur? Se dit-il soudain. Il se laisse ainsi emmené dans le fourgon sanitaire accompagné de son épouse. Il a un peu de temps devant lui, le train ne part que vers 17 heures. Les médecins sauront très vite si « le palpitant » est en état pour un retour cet après-midi, s’il s’agit donc à nouveau d’un problème de tendon ou d’arthrose.