L’acide hyaluronique agit sur le TNFα, des interleukines et la viscosité du liquide synovial dans l’arthrose du genou.
Un travail américain (*) tout récent de l’ Université de Floride, Gainesville vient une nouvelle fois démontrer l’effet bénéfique de la viscosupplémentation dans la gonarthrose.
En préambule.
Dans la genèse de l’arthrose le chondrocyte devient métaboliquement actif et initie des processus inflammatoires qui dégradent le cartilage articulaire et de l’os sous-chondral. Il sécrète plusieurs cytokines inflammatoires qui agissent en synergie pour stimuler la synthèse d’enzymes qui détruisent le cartilage. Ces cytokines clés comprennent l’interleukine-1 (IL-1β), le facteur de nécrose tumorale (TNF-α) et l’interleukine-6 (IL-6) (1). IL-1β et TNF-α sont généralement augmenté dans les articulations enflammées. Ces substances activent d’autres chimiokines inflammatoires telles que les protéines chimiotactiques des monocytes (2).
Il exixte aussi un processus de dégradation lié au stress oxydatif au cours de l’arthrose (3). Celui-ci représente le déséquilibre entre les défenses antioxydantes endogènes et les processus induits pro-oxydants des radicaux libres qui se traduisent par la modification oxydative des molécules. Les produits issus de l’oxydation des lipides tels que le 4-hydroxynonénal (4-HNE) induisent des dommages aux cellules et la mort des chondrocytes (4,5). Ces substances sont élevés dans le liquide synovial des patients atteints d’arthrose (3,6).
Le liquide synovial (LS) contient de l’acide hyaluronique (AH) qui lui donne sa viscosité élevée, maintient l’intégrité normale de l’articulation en atténuant l’inflammation et en préservant le cartilage. Dans l’arthrose, la viscoélasticité du LS est diminuée (7,8) car le poids moléculaire et la concentration de l’AH sont réduits (9). La protection du cartilage est compromise et les dommages liés à l’arthrose apparaissent. In vitro des données suggèrent aussi que l’ AH diminue la production d’ IL-1β (10).
Les auteurs suggèrent que la viscosupplémentation peut donc réduire la réponse globale des cytokines inflammatoires dans l’arthrose humaine. Les études humaines ont montré que les patients de + de 60 ans avec arthrose évoluée répondent mieux à l’AH que ceux de moins de 60 ans (11). Ainsi ils ont comparé l’évolution du taux de ces cytokines articulaires 6 mois après un traitement de AH dans deux groupes de patients répartis selon les âges. Le niveau des douleurs a aussi été étudié avec celui de l’activité physique.
L’étude.
28 patients ayant une gonarthrose ont donc été recrutés et stratifiés en adultes 50-64 ans et les adultes âgés ≥ 65 ans. Ils ont reçu trois injections à une semaine d’intervalle d’un AH (Euflexxa) et ont subi en même temps mais au préalable une ponction de LS pour des analyses biochimiques et rhéologiques. Six mois plus tard ils ont eu une nouvelle ponction après interrogatoire et examen clinique pour de nouvelles analyses.
La mesure du TNF-α, des interleukines pro inflammatoires 1β, 6, 8, 12, des cytokines anti-inflammatoires notamment les interleukines 4, 10 et 13 a été réalisée à J0 J180. La teneur en 4-hydroxynonénal (4-HNE) sous-produit lipidique représentant la dégradation oxydative à l’origine de la mort des chondrocytes (12) a été déterminée aux mêmes moments de même que la viscosité du LS quantifiée par viscosimètre.
Les résultats
A six mois les gonalgies ont diminué de façon statistiquement significative (p<0,0001) de plus de 50% (51,2) en moyenne par rapport aux chiffres de base avec augmentation notable de l’activité physique quotidienne. Ces améliorations étaient sensiblement plus importantes pour le groupe adultes 50-64 par rapport au groupe >65 et pour les stades radiologiques II et III par rapport au groupe IV (p=0.06)
Sur le plan biochimique les auteurs ont constaté une réduction générale du taux des cytokines inflammatoires chez les sujets adultes 50-64 plus importante que chez les sujets agés >65. Il en était de même et de façon significative pour le TNF-α chez les sujets adultes 50-64. Ceux-ci avaient d’ailleurs une diminution statistiquement significative plus importante que les sujets âgés >65. A six mois la réduction de la sévérité de la douleur était modérément lié à la variation des niveaux d’IL-1β (r = – .566, p = 0,044). Il n’y a pas eu de modification statistiquement significative du 4-HNE dans les deux groupes.
La viscosité du LS a augmenté dans le groupe 50-64 aux deux vitesses de cisaillement de 5 et 2,5 Hz. alors qu’elle n’a pas été modifiée pour le groupe âgé>65. Il n’y a pas eu de modifications de cette constante en fonction du stade radiologique de K et L.
Discussion
L’objectif principal de cette étude pilote était de comparer les changements dans le LS de certaines cytokines, du 4-HNE et de sa viscosité six mois après une série d’injection intra articulaire de AH chez des adultes (50-64 ans) et les adultes âgés (>65 ans) souffrant d’arthrose du genou. Les principales conclusions sont
- une réduction significative de la douleur par l’AH à six mois.
- une amélioration de la fonction chez les adultes 50-64 plus nette que dans le groupe >65
- une amélioration âge-dépendante de la viscosité du LS.
- une plus grande réduction significative du TNF-α chez les adultes âgés 50-64 que chez les adultes âgés >65.
- une amélioration générale favorable à l’articulation pour les cytokines pro-et anti-inflammatoires, le stress oxydatif et la viscosité dans le LS
Ces données indiquent aussi que les adultes 50-64 avaient une meilleure qualité du LS six mois après l’AH en association avec des taux de cytokines pro inflammatoires inférieurs.
Limites de l’étude.
- Absence d’un groupe témoin mais l’étude était destinée à rechercher des variations individuelles par rapport à un traitement.
- La taille de l’échantillon mais les auteurs parlent de tendances intéressantes trouvées à 6 mois justifiant des études plus importantes.
Conclusions
Au total les auteurs suggèrent qu’une longue exposition à l’arthrose au fil des ans pourrait atténuer la réactivité des voies de cytokines au traitement car les adultes âgés >65 ont vu leurs douleurs diminuer sans modifications notables dans le taux des cytokines alors qu’elles bougeaient dans le groupe 50-64. Cela pourrait signifier que les variations de la douleur sont d’autant moins dépendantes des taux de cytokines inflammatoires que le sujet est plus âgé.
De même ils avancent qu’il peut y avoir intérêt à injecter l’AH très tôt dans l’histoire d’une arthrose, les adultes 50-64 étant plus sensibles à la molécule que les adultes âgés >64. Cela a déjà été confirmé chez l’animal (13).
Notre avis.
Encore une étude intéressante qui montre que l’AH a un effet pharmacologique notable en agissant favorablement sur les interleukines pro et anti inflammatoires, en diminuant la sécrétion de TNF-α. Ces constatations vont de pair avec la diminution des douleurs et l’amélioration de la fonction qui est une nouvelle fois démontrée.
Mais aussi ce travail montre à nouveau ce que l’on pressent depuis longtemps : l’AH serait d’autant plus efficace que son utilisation est plus précoce dans l’histoire de l’arthrose et cela probablement avant avant le tsunami destructeur des cytokines qui envahit l’articulation à un moment donné de l’évolution. Des travaux récents (**) ont ainsi montré l’intérêt protecteur de l’AH pour l’articulation en post opératoire après un geste sur les ménisques.