L’acide hyaluronique détermine les propriétés rhéologiques du liquide synovial
L’articulation est d’abord une structure biomécanique qui autorise le mouvement en supportant des charges qu’elle amortit et en permettant le glissement de surfaces qui s’opposent avec un coefficient de frottement très bas expliquant l’absence remarquable d’usure. Tout le mérite de cette mécanique « parfaite » en revient notamment à l’acide hyaluronique contenu sur le cartilage et dans le liquide synovial (LS), fabriqué par la membrane synoviale. La viscosité qu’il détermine pour ce LS est mesurée grâce à la rhéologie : elle diminue avec la vitesse des mouvements, classant ce liquide dans un type non newtonien par opposition aux liquides newtoniens à viscosité constante.
Liquide non Newtonien.
La rhéologie, moyen de mesure de la santé du liquide synovial.
La rhéologie est la science qui étudie le comportement d’une matière qui s’écoule en fonction de sa plasticité, de son élasticité et de sa viscosité, lorsqu’elle est soumise à des déformations, des contraintes et des pressions. C’est le rhéomètre qui étudiera les propriétés de la matière à étudier et qui permettra notamment la mesure de la viscosité h ou viscosité dynamique µ (mesurée en pascal par seconde ou Pa.s), de l’élasticité et de la viscoélasticité de différents polymères dont l’acide hyaluronique (HA) du LS en fonction de contraintes appliquées qui reflètent les vitesses de mouvements. Ce dernier paramètre est dépendant de la masse molaire M et de la concentration C du polymère étudié . Pour le LS, ce sont les constantes de la macromolécule d’acide hyaluronique (HA ou hyaluronane) qu’il contient qui détermineront sa viscosité et son comportement viscoélastique. La viscosité augmente quand C et/ou M augmente, elle diminue quand, dans l’articulation, la température monte notamment lors du mouvement. A titre d’exemple si l’eau est à 1 mPa.s, l’acide hyaluronique (sous forme de son sel de sodium) peut aller jusqu’à 500.000 Pa.s, une huile de cuisine est autour de 100.Pa.s. Les solutions d’HA sont viscoélastiques caractérisées par une viscosité élevée avec une élasticité basse pour des fréquences d’oscillation ou de déformation basses imposées par le rhéomètre, ce qui permet s’assurer la lubrification articulaire. Lorsque les fréquences sont élevées l’élasticité reflétée par le module de stockage G’ augmente donnant à la solution un rôle d’amortisseur. G’, la mesure de l’élasticité, devient supérieur au module de perte reflétant la viscosité (G’’) ; G’ et G’’ sont exprimés en Pa.
PS: la viscosité dynamique est désignée par le symbole mais le symbole est également utilisé pour désigner la viscosité : en rhéologie on parle de la même chose en utilisant toujours la viscosité h.
L’acide hyaluronique
On vient de voir que c’est l’acide hyaluronique qui donne ses propriétés mécaniques et métaboliques au LS permettant, sous sa forme enchevêtrée, un mouvement de va et vient notamment d’eau, d’électrolytes et de proteines entre ses mailles dans l’articulation entre la cavité et les couches superficielles et moyennes du cartilage. Cet HA est synthétisé par des synoviocytes de type A situés dans la membrane synoviale. On admet que la concentration et/ou la masse molaire d’HA présent dans l’articulation sont le reflet de la santé de l’articulation correspondante. L’articulation devient ainsi une unité fonctionnelle constituée de la membrane synoviale, du LS, du cartilage et de l’os sous-chondral dédiée au mouvement. On sait que la production de HA dans l’organisme et en particulier dans l’articulation diminue avec l’âge. Elle serait déjà réduite de moitié notamment au niveau de peau après la cinquantaine, expliquant l’apparition des rides. Il en est de même dans une articulation arthrosique où la quantité et la qualité du HA sont altérées. Tout cela montre l’intérêt des tentatives de remise à niveau du HA dans l’articulation avec l’idée que cette optimisation redonnera « santé » à l’engrenage. C’est dans ces conditions que de nombreux travaux ont été réalisés qui visent à démontrer que l’introduction de HA dans l’articulation redonne une rhéologie optimale au LS. On aboutit ainsi au concept de visco-supplémentation.
Nous ne retenons que des travaux dédiés aux traitements locaux :
Balazs (1) en 1993 met en évidence les propriétés physiques du LS et ses modifications par l’apport d’HA exogène avec restauration de sa visco-élasticité, augmentation de concentration et normalisation du métabolisme du HA intra-articulaire. Ces constatations vont de pair avec la diminution de la douleur et l’amélioration de la fonction.
Grecomorro (2) en 2001 fait une étude chez 30 patients atteints de gonarthrose avec hydarthrose à répétition. L’introduction de HA de haute masse molaire à raison de 3 injections à 1 semaine d’intervalle va normaliser la viscosité du liquide synovial
Bagga (3) en 2006 met en évidence une augmentation de la concentration en HA endogène et une amélioration des propriétés rhéologiques du LS chez des sujets atteints de gonarthrose après traitement de 3 injections de HA à une semaine d’intervalle. Ces constatations persistent à 3 mois.et laissent suggérer une tendance à la normalisation de la fabrication de HA par la synoviale. Dans une étude personnelle « in vitro » (4) nous avons montré de la même manière la persistance dans le temps de l’amélioration de la rhéologie du LS après introduction de HA exogène.
Conclusion
La normalisation de la rhéologie du LS est donc un moyen d’appréciation de l’efficacité des traitements locaux dans l’arthrose puisque cela va de pair avec l’amélioration des symptômes. Mais il est évident que la lourdeur de l’examen rend difficile son utilisation courante et qu’on le réserve aux études cliniques comme cela se fait pour la mesure biologique des marqueurs biologiques sériques et synoviaux de l’arthrose ou pour l’utilisation de l’IRM. On comprend pourtant mieux l’intérêt de tels traitements locaux et la justification de la méthode. Ces études rhéologiques pourraient ainsi être utilisées à l’avenir pour déterminer le meilleur schéma possible d’introduction d’un acide hyaluronique dans l’articulation en jouant sur le nombre des injections et leur intervalle dans le but d’optimiser visco-supplémentation et/ou visco-induction.
1-Balazs EA et Denlinger JL.
Viscosupplementation: A new concept in the treatment of osteoarthritis.
J Rheumatol Suppl 1993;20(39):3-9.
2-Grecomoro G, La Sala F, Francavilla G
Int J Tissue React. 2001;23(2):67-71.
3-Bagga H, Burkhardt D, Sambrook P, March L
Longterm effects of intraarticular hyaluronan on synovial fluid in osteoarthritis of the knee.
J Rheumatol. 2006 May;33(5):946-50.
4-Mathieu P, Conrozier T, Vignon E, Rozand Y, Rinaudo M.
Clin Orthop Relat Res. 2009 Nov;467(11):3002-9. Epub 2009 May 6.