Chapitre 20- La roue tourne

Etienne Saint n’a pas fait parler de lui depuis quelques temps. IL faut dire qu’il a eu une vie très mouvementée depuis 1 mois.

Après qu’il ait reçu le traitement expérimental d’acide hyaluronique associé au sorbitol dans son genou, après qu’ il ait découvert à l’occasion de la Saint Valentin que son fleuriste faisait partie de l’étude proposée par le Dr Gérard Manfaimieux, son rhumatologue, il a appris le lendemain de la dernière injection le décès de son beau-père, certes âgé de 98 ans, mais qui était encore très actif et totalement autonome. Il habitait dans un village de Corrèze et il avait fallu se précipiter là-bas pour organiser les funérailles puisque Madame Saint était sa seule fille et qu’il vivait seul  ayant perdu son épouse depuis plus de 10 ans. C’étaient des voisins qui l’avaient prévenu : il était mort dans la rue pratiquement debout comme il l’avait toujours été, raillant tous ces gens qui se plaignaient des douleurs et d’arthrose au point de ne plus bouger. Il n’avait jamais cru à cette maladie qu’il assimilait à de la paresse.

Etienne était resté une petite semaine dans la profondeur de ce Massif Central qu’il aimait beaucoup. Il était remonté ensuite pour revoir le rhumatologue qui suivait l’évolution de son genou et, ma foi, il ne s’en plaignait plus du tout, qu’il s’agisse du droit ou du gauche. Il avait même pu déménager le grenier à la recherche de papiers d’identité officiels qui avaient été entreposés autrefois dans une malle enfouie sous une montagne de vieux vêtements et sacs de plastique collectionnés par le beau-père qui avait la manie de ne pas en jeter un seul depuis toujours.

A l’occasion de la petite visite du 24 mars qu’il avait dû un peu avancer car il lui avait fallu retourner en Corrèze le 26 février pour rencontrer avec son épouse le notaire, il avait pris rendez-vous pour le 11 mars auprès de Catherine la secrétaire afin de faire une échographie de l’épaule car il souffrait toujours un peu de ce bras à l’occasion des gestes de manutention.

Toutes ces allées et venues n’avaient pas modifié la totale quiescence des genoux et la R16 avait de son côté parfaitement avalé les kilomètres. Il allait d’ailleurs pouvoir la changer puisque le beau-père leur avait laissé une magnifique Citroën C5 qu’il s’était acheté il y a 2 ans et qui dormait dans le garage depuis tout ce temps. C’est d’ailleurs en enlevant la poussière de la carrosserie avec sa « Nénette » qu’il avait repris une violente douleur dans l’épaule. Il avait dû rester immobilisé une bonne paire de minutes avant de reprendre son souffle et de bouger à nouveau un peu le bras. Il avait dû ensuite se reposer une demi-journée pour pouvoir retrouver des mouvements normaux. Il avait fallu pourtant qu’il se remue car il avait dû changer la batterie de la C5 pour la faire démarrer, regonfler les pneumatiques, vérifier tous les niveaux. Il avait découvert la direction assistée qu’il n’avait pas sur sa Renault : une véritable chance compte tenu de l’état de son bras. Il avait même pris plaisir à faire des manœuvres tant le volant était souple et réagissait sans effort. Comment avait-il pu rester ainsi toutes ces dernières années ? Il s’était même demandé si le problème de bras n’était pas en rapport avec la conduite. Ils avaient décidé de garder cette maison en Corrèze car gendre et fille voulaient en faire une résidence secondaire. Il avait donc laissé la R16 au garage, elle servirait de voiture de secours sur place. Les journées étaient passées à une allure folle car il avait fallu contacter les administrations et services publics divers pour changer les identités et les abonnements. La sous-préfecture de Brive la Gaillarde était tout de même à 15 kilomètres et  le beau-père avait toujours refusé l’internet même s’il était très au fait des dernières avancées technologiques, ce qui n’avait rien arrangé pour faire tous les papiers.

Etienne était enfin remonté chez lui le 2 mars pour se poser un peu et il avait rencontré de gros bouchons sur les routes du Massif Central avec le chassé-croisé des vacanciers.

Il avait passé son week-end à la maison, évitant de trop bouger le bras qui le réveillait cependant la nuit dès qu’il se mettait sur le côté. Il avait dû voir son médecin généraliste pour qu’il lui prescrive un antalgique car il ne savait pas que prendre, ceux prescrits antérieurement pour les genoux ne lui faisant rien. Il avait à nouveau refusé une infiltration de cortisone que lui avait proposé le Dr Choisy car il fondait beaucoup d’espoir sur l’acide hyaluronique après l’échographie. Il ne voulait pas entraver l’action éventuelle du rhumatologue et puis l’injection dans l’épaule lui paraissait être délicate et à réserver à un spécialiste sous contrôle radiologique comme on lui en avait parlé.

Une chose le rassurait vraiment c’était l’état des genoux. Il n’avait pas ressenti la moindre douleur depuis bientôt 3 semaines. Il s’était d’un coup souvenu qu’il n’avait pas fait le contrôle de son acide urique comme demandé pour la fin février. Il allait prendre dès demain rendez-vous pour avoir les résultats avec lui pour le 11 mars. Il reverrait à cette occasion la petite laborantine à moins qu’elle ne profite comme beaucoup des joies du ski. Il allait devoir retrouver l’ordonnance. En attendant, il avait pris 2 comprimés d’antalgiques qui l’avaient soulagé partiellement. Peut-être passerait-il une bonne nuit ? Il se ferait une application de Cicatendon gel que lui avait recommandé le voisin de son défunt beau-père avant qu’il ne remonte la semaine dernière. En attendant, il pouvait enfin mettre les deux pieds sous la table sans pression et parler un peu du printemps à venir, envisager même de monter à Paris pour la finale de la coupe de la ligue de football car il était un supporter des « Verts », eux qui allaient enfin jouer au Stade de France. La sonnette du téléphone retentit à l’instant où Etienne plongé dans ses souvenirs commençait à fermer les yeux alors que le repas n’était pas encore commencé. C’était le radiologue qui venait lui proposer des places pour monter à Paris…